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Coccinelle et Clémentine
26 octobre 2007

Les gens du rez-de-chaussée vivent fenêtres fermées

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Je marchais dans un froid relatif qui me rappelait, comme depuis une semaine, exactement ces sensations de ma fin d'été dans l'hémisphère sud, le froid qui rappelle les vacances, ça n'est pas si souvent, et c'est une sensation bizarre, comme un voyage dans le temps, et j'ai humé l'air, en traversant le pont d'Austerlitz. Ces derniers temps, à l'Aquarium, j'ai l'impression de savourer chaque instant comme s'il allait être le dernier, alors même que mon contrat se termine fin décembre et qu'il a déjà été renouvelé 2 fois - alors pourquoi pas trois ? Et pourtant. Je traverse le pont d'Austerlitz pour aller à la cantine et je vois la Seine, et je reviens et je peux aller m'éblouir aux gravillons blancs du Jardin, qui crissent bien sous les talons, et je marche encore un peu et je peux me retrouver devant la Mosquée devant un thé à la menthe, en bref, j'ai un contrat pourri et je suis en situation précaire et pourtant, d'un autre côté, j'ai une chance folle.

Ce midi en marchant dans ce froid relatif j'ai croisé Lily Kane et ça m'a fait un frisson. Peut-être qu'il ne s'agit que de ça. De cette adolescente qui restera à tout jamais adolescente, là quelque part, alors que moi je grandis, et, sûrement aussi, vieillis. Même si la mienne n'est pas morte et que je n'ai aucun moyen d'enquêter sur le pourquoi du comment. Et pourtant d'un autre côté, j'ai une chance folle, puisque je suis toujours en contact avec ma meilleure amie avec qui je suis en classe depuis la maternelle, à quelques années de séparations près. Pas tant de gens peuvent en dire autant. Sauf qu'elle aussi, elle est de l'autre côté du monde, pas du même côté bien sûr, mais de l'autre côté quand même. Celui où j'ai une chance folle ?

Ce soir en rentrant chez moi dans le froid relatif, et que j'ai senti la douleur monter, je me suis dit que non, qu'il fallait qu'elle s'arrête, que c'était trop bête, qu'avec tous ces nouveaux médicaments que je prends, ces gouttes qui engourdissent ma langue, ces cachets oranges à 12 € pièce, et tout cet espoir de souffrir un peu moins, un peu moins souvent, il fallait bien au moins que ça ne m'arrive pas ce soir ; et j'ai vu cette ambulance qui faisait du bruit, ou alors était-ce une sirène de police ? C'était une sirène en tout cas, de celles qu'on entend dans les films, et j'ai vu cette vieille dame ouvrir son volet, ou plutôt cette grande plaque de métal opaque pleint en blanc, elle voulait voir, voir quoi ? Elle a regardé longtemps, la circulation, les restaurants thais et vietnamiens clignotaient à côté et elle regardait regardait regardait mais ne voyait rien, le monde et elle n'étaient pas et ne sont probablement jamais dans la même dimension. J'ai vu alors que tous les volets voisins, tous aussi hermétiques et mortifères les uns que les autres, étaient clos, et qu'ils devaient l'être toujours. Les unes des journaux du jeudi me dépriment et parfois moi aussi, je ne comprends plus trop le monde dans lequel je vis, les choix des gens, l'intérêt qu'ils portent à des choses qui me semblent insipides et surtout insignifiantes. Peut-être qu'on est tous en train de se désagréger

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Commentaires
P
Il est joli ce titre. Et bientôt je vais connaître Lily Kane à mon tour...<br /> <br /> Sinon, moi, je ferme les volets parce que les assurances l'exigent. Faut reconnaître que, sur pas mal de point de vue, vivre au rez-de-chaussée n'est pas fun.
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