Black Mamba
C'est amusant, quand les gens me demandent "Alors, vous en êtes où pour ce mariage ?", ou, pire, quand je l'évoque avec ma mère et qu'elle me répond "Ah bon, ça se fait toujours cette histoire ?" avec une pointe d'ironie.
C'est vrai que bon, ça fait 9 mois que j'ai dit oui, que la famille est au courant, que les parents se sont rencontrés (ils n'ont pas acheté de pur sang ensemble, mais c'est en bonne voie) et que, bon, niveau organisation, prévoyance, planning et rétro-planning, autant dire les choses clairement : rien n'est fait. Strictement rien, pas même une date.
Et d'ailleurs, je n'ai pas prévenu la moitié des gens que je connais. Au départ c'était pour des raisons de discrétion et de sentiments à ne pas heurter, puis finalement, les jours passent, on n'y pense plus vraiment, et puis un éclat sur un doigt, contrairement à ce que j'avais cru, ça passe inaperçu très facilement.
C'était amusant, aussi, les réactions par-ci par-là, quand je l'ai annoncé, surtout celle de la fausse célibattante, qui prend ça comme si je lui avais dit que j'avais un cancer, avec le ton tragique sorti de Plus belle la vie sur "Il faut que tu réfléchisses", et le regard de détresse mêlé d'incompréhension. Oh moi je l'ai comprise, sur le coup, parce que je suis très tolérante, et puis j'ai cru qu'elles réagiraient toutes comme ça - parce que bon, j'ai pas des folles de mariage dans mes amies - et puis en fait pas du tout. Ma Fleur des Caraïbes, qui est un peu parfois anti-engagement anti-conventions anti-tout, a été toute émue et toute joie ; ma Laetitia semblait sereine et pleine de confiance ; et là j'ai compris que pour ces filles-là j'étais une adulte, une adulte amoureuse, et que non, ça n'était pas si stupide. J'ai compris qu'il fallait que j'arrête de prendre les avis de tout le monde à part égale sur tous les sujets. C'est pas gagné, mais ça viendra.
Oh bien sûr, c'est toujours plus propre, à mon âge, d'être anti-mariage. Ça fait moins désordre. C'est plus correct. Ça passe mieux, en soirée.
Mais je n'y peux rien, je ne le suis pas.
Enfin, pas contre le concept du mariage. Pour ce qui est des réalités, en revanche...
Mais bon, c'est pas ma faute si, gamine et adolescente, je n'ai jamais rêvé de mariage, encore moins en grandes pompes, si je n'ai jamais passé d'après-midis avec des copines à feuilleter des magazines ou à aller essayer des robes en baragouinant les vendeuses, si je n'ai jamais composé la playlist de mes rêves ou imaginé la cérémonie idéale. C'est pas ma faute si j'ai vécu le mariage de ma soeur comme une vaste rigolade, voyant le tout de très très loin, ne croyant pas vraiment à ce qui se passait devant moi, ne pouvant pas réprimer mes fous rires à l'église, m'amusant parfois, mais restant sceptique, tout au fond.
- Je mens un peu, pour l'adolescente. J'étais tombée sur cet autocollant d'une marque de vêtements (la photo, là-haut, qui illustre cet article, donc) et je m'étais dit que voilà, si je me mariais, je me marierais là-dedans.
[D'ailleurs je n'ai pas totalement écarté cette possibilité] -
Alors oui, il y a quoi, 4-5 mois, j'ai acheté "Mariée Magazine". Je me suis dit que ça allait me mettre dans le mood, ça, "Mariée Magazine", je ne savais même pas que ça existait ! Avec une revue pareille, pour sûr que j'allais devenir une fille normale qui a envie de prévoir tout un tas de trucs et de se transformer en control freak des perles et de l'organza, que ça allait me donner des idées d'endroits où organiser l'événement, de thèmes, de toutes ces choses. Alors ça n'a pas vraiment marché. Alors oui, le week-end dernier, je suis allée à un salon du mariage, pareil, me disant que j'allais ressortir avec tout un tas de trucs réglés, qu'il y aura des stands pour les gens comme moi, qu'on allait m'ouvrir des voies. Et puis non. Pas une piste, pas même une pistouille. Tout ça m'est d'un ennui sans nom, les fioritures de tables, les royales demeures en banlieue, les fermettes, les menus prédécoupés, les douze couleurs de dragées, les listes d'invités longues comme le bras parce qu'il faut qu'il y ait tante Chouille qu'on ne voit jamais et qui est une sale conne mais c'est la famille tu comprends, et puis Mme Rapée parce que c'est une collègue et qu'on la voit tous les jours quand même ce serait malpoli tu comprends, et puis Jonas parce que ça a été ton pote il fut un temps, même si maintenant on n'a plus rien en commun avec lui, mais quand même la politesse que veux-tu, tout ça et les nappes, les chemins de table, les noms de plats entortillés et boursouflés, les fonds de teint qui ne tachent pas, les tissus bouffants et gonflants... Tout ça est trop loin de moi.
Quand je pense à mon "mariage" je ne pense qu'à des yeux qui brillent et des coeurs qui battent, des larmes peut-être, dans nos yeux ou dans les leurs, je pense au peu de gens qui seront là mais qui le seront parce que je les y ai réellement souhaités de tout mon coeur, je pense à un lien, à un engagement indéfectible vers un avenir, c'est à dire une des choses les plus profondes qui soient peut-être, mais pas des plus faciles : s'engager quand tout fout le camp autour de toi, quand tu ne sais pas de quoi demain sera fait, quand tous les couples explosent, quand tes semblables te crient méfiance, où que tu ailles.
Alors certes, je n'avance pas, mais je ne recule pas non plus. J'imagine que, à l'image de ma vie, tout viendra à point en son temps, avec son lot de surprises et de hasards, et dieu merci, peu importe qu'un truc (ou même tout) aille de travers le jour J, puisque je n'ai en aucun cas l'intention qu'il soit le plus beau de ma vie.
C'est vrai qu'en attendant je me sens vaguement démunie face au hors-série de "Marions-nous" (oui oui, il existe PLUSIEURS revues de mariage), mais ça passera, peut-être...