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Coccinelle et Clémentine

1 juillet 2014

Voyages scolaires

Third grade students viewing exhibits inside Burke Museum, the oldest university museum in the West @ UW Digital Collections
Third grade students viewing exhibits inside Burke Museum, the oldest university museum in the West (@ UW Digital Collections)

Jeudi matin, il flottait dans l'air un parfum de sortie scolaire. Évidemment, c’est aussi parce que je venais de croiser deux groupes d'élèves, dehors, assis sur les marches des grands bâtiments, écoutant au soleil un professeur fort animé leur parler de ce qu’ils allaient voir.
En les dépassant, en m'attardant sur leurs tenues, leurs badges nominatifs, leurs sacs et leurs attitudes, je suis envahie entièrement de ce sentiment des derniers jours de juin. Les fenêtres ouvertes dans la salle de classe. Les feuilles des arbres qui bruissent dehors. Les récréations qui s'allongent. S'allongent. S'allongent jusqu'à n'en plus finir. Et ces journées folles, les sorties scolaires, on avait dû faire remplir un mot par les parents des semaines en amont, la date était notée, longtemps attendue, et puis bam, elle arrivait. La préparation des affaires la veille au soir, avec le ventre un peu noué. Le mien ou celui de ma mère ?

L’odeur du car, les sièges en moquette qui ont chauffé des heures au soleil, les vieux chewing-gums collés dans les cendriers cassés, les accoudoirs en mousse délabrés. Je détestais les voyages en car qui me rendaient malade. J’étais incapable (et je le suis toujours) de jouer aux cartes avec les autres ou même de discuter avec les copains du rang de derrière, sans avoir la menace affreuse de vomir sur tout le monde. Il fallait donc bien choisir ma voisine, pouvoir parler, jouer éventuellement à la bataille, sans trop bouger, et chanter, aussi éventuellement.*

Une fois dehors, que ce soit pour visiter une ville, un zoo, une grotte, je me sentais (et me sens toujours) mieux une fois les pieds sur la terre ferme. Malgré ces petits inconvénients, et bien qu’aimant bien l’école, ces journées en pleine semaine passées à l’extérieur avaient un goût délicieux. Le soleil du matin de ces derniers jours de juin, bien présent, déjà chaud mais encore assez doux, la conscience très claire que normalement, à cette heure-ci, nous devrions être enfermés dans la salle de classe à faire du calcul mental ou à copier une leçon écrite au tableau, tout concourait à donner le sourire. Il ne pleuvait jamais ces jours-là, en tout cas je n’ai souvenir que de journées ensoleillées. Les visites en elles-mêmes, quelles qu’elles fussent, m’inspiraient à vrai dire plutôt de l’inquiétude, car j’éprouvais souvent (et j’éprouve toujours) une certaine appréhension devant tout ce qui m’était inconnu. D'ailleurs, tout dans cette situation était inhabituel. L’odeur de mon sac à dos, mon sac à dos turquoise, mon premier sac à dos à moi, qui n’était pas récupéré des affaires de ma sœur, et qui contenait pour l’occasion une gourde remplie d’eau, des petits sandwichs dans du papier alu, et quelques biscuits. Un porte-monnaie, aussi, au cas où, et la responsabilité d’avoir à porter ça, toute seule, ne pas le perdre, savoir que j’avais de quoi être autonome une journée entière ; une sensation étrange, à la fois légèrement angoissante mais aussi très grisante.

Tout changeait ces jours-là.
La petite terreur se mettait à chouiner comme un chaton mouillé parce que des singes malicieux lui tournaient autour. Les gros durs avaient peur de se prêter aux expériences scientifiques rigolotes. Parfois même, les clans éclataient, on se mettait soudain à discuter et à rire avec des camarades avec qui on avait à peine échangé trois phrases en une année.

Le trajet retour en car était toujours un peu plus calme ; étourdis par la fatigue et la chaleur, nous nous laissions bercer par le roulis du bus et par les cassettes de musique que le chauffeur finissait par passer. Les bruits du moteur couvraient celui des discussions et des chants pour ne former qu'un vrombissement. Le soleil, au bout du compte, se couchait, et une fois la nuit tombée, la route devenait un peu inquiétante, le froid tombait, les vêtements de la journée apparaissaient soudainement bien trop légers. L'arrivée au parking, avec les voitures des parents qui attendaient, sonnait le glas de cette journée d'exception, mais elle avait en fait déjà disparu en même temps que le soleil, et ce retour frisquet à la réalité avait aussi, au fond, le parfum d'un certain réconfort, celui de savoir que malgré l'escapade, un foyer nous attendait toujours.

Et sur les sièges arrière de la voiture, assaillie de questions sur le déroulé de la journée, je suppose que je ne livrais (et je ne livre toujours) que quelques mots, difficilement ; parce qu'il était trop difficile de raconter, raconter vraiment, expliquer à quel point à travers des événements si banals, à quel point tout avait changé. Tout avait changé, c'était sûr, et peut-être que le lundi suivant on aurait 12 nouvelles copines avec lesquelles jouer, pendant les quelques jours qui restaient encore avant les grandes vacances ; peut-être que cet été, on partirait à l'aventure avec les voisines, parce qu'après tout, on peut tenir longtemps tout seul, à condition de bien remplir son sac à dos. Une vraie escapade. Comme les Castors Juniors. Tout avait changé, et tout était possible.

Le lundi évidemment, les clans se reformaient et rien n'avait changé.
Rien n'avait changé, mais - et je ne le savais pas - j'avais quand même un peu grandi.

 

* Ceux qui ne connaissent pas le mal des transports ne peuvent pas comprendre à quel point, non, ce n'est pas marrant de ne pas pouvoir faire partie des "enfants cools du fond du bus". (Mais je mentirais en disant que je le regrette, ni même que je le regrettais sur le moment. Je n'étais pas de ceux-là, je n'ai jamais fait partie de la meute mais... croyez-moi, la meute a mal vieilli. Moi aussi probablement. Mais la vue de leurs photos de vie d'adultes fait sauter aux yeux un affreux conformisme - qui, je le comprends seulement aujourd'hui, était déjà à l’œuvre à l'époque du fond du bus.)

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3 mars 2013

En commun

8261642032_0b0ce9d7a3_oBus in Paris 1950 (@ Stockholm Transport Museum)

Elle est assise en face de moi, dans le bus, avec un manteau à motifs orange, des lunettes fines un peu violettes et elle tient un recueil de poésies de Maurice Scève ; lisant un vers, puis relevant aussitôt la tête, regard au-delà de la vitre, bougeant les lèvres au rythme des mots. Qui apprend encore des poèmes dans le bus ? Une étudiante ? Une comédienne ? Ses cheveux, comme les miens, sont encore un tout petit peu humides et dégagent une très légère odeur de shampooing. Ses yeux, maquillés un peu rapidement, comme les miens, bougent au rythme des sillons imprimés. Elle aurait pu gagner cinq ou dix minutes ce matin en négligeant ce maquillage. Elle ne l'a pas fait.

Une autre, dans ma diagonale, s’occupe de ranger un peu son sac. Transvaser les quelques chewing-gums restant dans un paquet vers un autre, puis utiliser le paquet vide pour jeter le chewing-gum qu’elle a dans la bouche. Fermer son sac à main, et fouiller dans un deuxième sac en toile claire - celui que l’on a toutes, les jours où on a un sac à main trop petit - et en sortir un paquet de biscuits chocolatés. Elle aussi, elle aurait eu le temps de prendre son petit déjeuner si elle avait sauté l’étape du maquillage. Elle ne l'a pas fait. Elle mange ses biscuits en les cassant en petits morceaux. Elle mange en baissant les yeux, baissant la tête. Une fille qui mange autre chose que des fruits ou de l’eau minérale en public, c’est presque obscène vous savez. Alors elle baisse les yeux, pour ne pas croiser le regard de quelqu’un qui lui crierait « Regarde-toi grosse vache, en train de bouffer des saloperies dès le matin ! »

Une autre, aux cheveux rouges, roule une cigarette, avec ses pouces vernis de rouge, elle a calculé le moment exact où commencer son opération, pour que la cigarette soit prête au moment où elle doit se lever pour descendre à son arrêt. Tout ce timing est inscrit en elle, ce n’est pas compliqué. Elle aussi porte un sac en cuir de petite taille, et, sur l’autre épaule, un sac de toile de couleur claire avec un logo quelconque. Elle ne baisse pas les yeux, elle fume et ça ne regarde qu'elle.

Une poussette arrive et fonce sur une autre jeune femme active qui, la malheureuse, se trouvait à l’emplacement dédié. Il n’y a pas de question, pas d’hésitation, pas d’échange de paroles, la poussette fonce, la jeune femme doit comprendre d’elle-même qu’elle gêne, qu’elle doit se décaler, qu’elle doit rentrer le ventre et les fesses, ranger son sac pour prendre le moins de place possible, la poussette est reine et ne s’excuse jamais. L’enfant hurle, la mère feint de ne rien entendre.

Je dis souvent que je n’aime pas les gens, mais quand je vois tous ceux qui sont là, debout dans ce gros parallélépipède à roues qui les mène vers leur travail, chez le médecin, à la Sécu, aux Assedic, tous entassés, les uns avec le sac de l’autre dans la gueule, les autres essayant tant bien que mal de se tenir à la barre verticale la plus proche d’eux, mais sur laquelle est affalé de tout son long quelqu’un qui n’en a rien à foutre, les autres qui ont les cheveux de la fille de devant dans le nez, les autres encore qui, faute de place ailleurs, ont dû se placer juste à côté du grand échalas très sale, qui pue avec ses gros sacs pleins de textiles douteux, quand je vois tous ces gens obligés de vivre comme ça les uns sur les autres, confrontés aux indélicatesses quotidiennes et à cette espèce agression passive permanente, je trouve merveilleux qu’on arrive à s’en sortir, à continuer malgré tout sans s’entretuer tout simplement. Alors oui, on fait un peu la tronche dans les transports en commun, on y sourit peu, les regards s’évitent souvent, mais ce n’est pas tant par méchanceté ou par méfiance que pour essayer de maintenir l’équilibre, de conserver l’espace minimum, même tous entassés, pour que cet amas d’atomes reste une molécule cohérente et solide. Qu'elle ne s'écroule pas. Qu'elle n'implose pas.

***

Je sors du bus et quand je marche pour arriver jusqu’au pied de mon bâtiment, je lutte contre un vent très fort, à contre-courant, et glacial.
Lorsque j'arrive enfin aux ascenseurs je tombe sur une collègue qui me dit en riant "Ben alors, faut pas pleurer !"
Je réponds en riant moi aussi, essuyant grossièrement les larmes, "Ah, c'est terrible, hein, ce vent !"

8 février 2012

Words are flowing out like endless rain into a paper cup

4481069519_55497dae64_oAmsterdammers versieren hun woning / Dutch people decorating their houses (@ Nationaal Archief)

L'interface de Canalblog a encore changé depuis ma dernière connexion ici.
En revanche, ce blog est toujours là, toujours orange, toujours un peu doux comme un truc qu'on aurait longtemps poli, longtemps frotté.

Quand je le vois j'ai l'impression quelques secondes qu'il n'est plus à moi, et puis je me souviens. Et je me sens bien, j'aime bien les polices, les espaces, les colonnes, à l'ancienne.

Dans le panneau d'administration, des dizaines de brouillons, agonisant, certains gigotent encore, d'autres plus trop, mais il suffit de les titiller avec le bout d'un bâton, et, ah oui, mais oui, c'est vrai, c'est vrai, cette chose-là.

Les mots, les mots, les mots, ils se bousculent sans cesse dans ma tête et brûlent de devenir corps, de devenir pixels ou encre, de s'imprimer, de se fixer, mais trop de canaux, ma pensée s'éparpille en dizaines de supports, il y a les mots pour mon blog ciné, il y a les mots pour Twitter, il y a les mots pour le site de cinéma, il y a les mots pour cette histoire, cette histoire que j'emporte avec moi tous les matins, ce petit garçon, sa famille, que leur arrive-t-il, qui est-elle, comment vais-je l'écrire, en combien de chapitres, il y a les mots pour les messages que je n'écris pas, les mots pour les lettres que je n'écris plus. Et puis, comme d'habitude, les mots pour ici. Cette petite place hors de tout, qui n'a absolument aucun but. Aucun objectif. Aucun destinataire. Des mots perdus, qui atterrissent ici comme une pluie sans fin dans une tasse en papier. Je ne saurais exprimer à quel point cette phrase correspond à cela. Bientôt je ne viendrai ici que pour écrire à quel point je veux écrire et combien cet endroit m'est précieux.

Résolutions. Écrire plus, quelque soit le support, je le comprends maintenant, m'aidera à écrire plus partout. Aider ce petit garçon, surtout. Qui va finir par grandir avant que j'aie le temps de raconter son histoire.

 

21 juillet 2011

Coccinelle et Clémentine, coffret blu-ray collector

3815013302_76b6d910ea_oRevd John Owen Williams (Pedrog, 1853-1932) and friends (@ Llyfrgell Genedlaethol Cymru / The National Library of Wales)

Et si ma vie était une série ? Tout le monde s'est posé la question. A quel moment aurait-on choisi de faire démarrer le pilote ? Quels acteurs pour quels amis ? Quels cliffhangers en fin de saison ? Quelle fin pour la série ?

Pour ma part je n'en sais rien, mais si on avait commencé la série avec mon arrivée à Paris, en faisant de belles saisons de septembre à septembre, nous serions actuellement en fin de saison 10, et ça c'est proprement odieux. Mais vrai. Il ne faudra qu'un battement de cil pour que Paris devienne la ville où j'ai le plus vécu (encore 7 ans et ce sera bon).

Amusant de voir à quel point les passages obligés auront été respectés : l'héroïne du début, pleine de rêves, arrivant à la capitale, wannabe actrice mais étudiante brillante, qui 10 saisons plus tard a enfin trouvé sa place, entre les deux ; le type de second plan en saison 1 qui devient petit ami puis compagnon en saison 2 ; la grande histoire d'amour en saison 5, comme toujours ; le mariage en fin de saison 7 ; les méchants de saison 1 qui deviennent des copains (et sont même au mariage de la saison 7) ; les acteurs qui ont quitté la série, aussi, (on invente un départ à l'autre bout du monde, histoire de, et on les fait réapparaître en guests de temps en temps, par vidéo-webcam ou lors d'un double épisode-happening en Australie) ; les nouveaux personnages, par-ci par-là, certains qui ne font qu'un bref passage... Et puis ceux qui étaient là dès la saison 1, et qui encore aujourd'hui, sont des acteurs réguliers. Ceux-là ne sont pas nombreux, vraiment pas. Ce sont les meilleurs, bien sûr.

La BO tourne autour de Aimee Mann et de Benjamin Biolay, avec aussi plein d'autres artistes, mais ceux-là, depuis le début, jusqu'à la fin.

Heureusement, la chaîne a resigné pour les saisons suivantes. J'espère que les scénaristes ne vont pas se louper.

5 décembre 2010

That's just what you are

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Jørgina and Marie Stang (@   Fylkesarkivet i Sogn og Fjordane)

 

Elle est venue nous rendre visite quelques jours, en octobre, juste quand nous rentrions de vacances et que nous avions quelques jours supplémentaires pour souffler. Bien sûr, du coup ça tombait assez mal, parce qu'il était évident que "souffler" serait impossible en sa présence. C'est comme ça. Et ça l'a toujours été.
Mais je ne pouvais rien dire, je l'ai détestée si longtemps, et je me sens toujours si responsable quand il lui arrive quelque chose de mal ou de triste, depuis ce jour où sa tête a heurté le carrelage de la cuisine et que je l'ai vue, secouée de spasmes dans une mare de sang, si bien qu'aujourd'hui je suis toujours obligée de faire l'effort d'être gentille. Compréhensive. Pas un mot plus haut que l'autre à son égard, sans quoi je serais une tortionnaire, ou coupable de lèse-majesté. Dans les faits, d'ailleurs, il suffit que je me montre un peu sarcastique pour qu'elle m'accuse d'être méchante. Bien sûr elle ne sait pas à quel point je prends sur moi pour ne pas montrer davantage à quel point elle m'exaspère et m'épuise.
Je l'ai accompagnée ça et là, pendant ces quelques jours, toujours partagée entre des sentiments bien distincts : une part de vraie compassion, et peut-être même d'amour, parce qu'elle est une des seules personnes avec qui je partage beaucoup de références, et, forcément, une histoire commune, et que je comprends peut-être mieux que personne sa façon d'être, ses nerfs à fleur de peau, sa sensibilité extrême qui la rend intolérante. Parce qu'elle est une Blanche et que je suis une Stella. Et puis une part de haine, parce que je ne supporte pas son égocentrisme, sa manière de parler de tout et n'importe quoi sans cesse, de tout ramener à elle, d'exiger des autres l'impossible. De sa vanité.
Au bout de quelques jours, épuisée et vidée mais tâchant toujours de ne pas le montrer, de ne pas la blesser, je l'ai regardée. Je me suis dit "C'est face à elle que tu te retrouveras, à la mort de ton père, de ta mère. Dans ces moments difficiles et indicibles, c'est avec elle que tu partageras tout. Ce sera la seule à vraiment pouvoir comprendre ce que tu ressens, et tu seras la seule, peut-être, à être là pour elle." Et ça m'a paru insupportable, détestable, mais inévitable.

Quelques semaines plus tard lors de ses inénarrables coups de téléphone où, comme pour le reste, je n'arrive jamais à mettre de limites, à dire "Excuse-moi, j'ai autre chose à faire, on se rappelle plus tard", ou, quand je le fais, elle ne l'entend pas et continue à me parler de sa vie, des petits détails de sa vie que j'en suis venue à haïr, j'ai senti l'énervement monter. Elle m'annonce qu'elle vient passer le nouvel an à Paris, oh bien sûr, pas pour venir chez moi, juste comme ça, avec une copine. Oh bien sûr elle a pris un hôtel pas loin de chez nous, mais simplement parce que c'est plus pratique, pour les lignes de métro. Et puis elle me questionne sur les horaires de certains restaurants pour y passer la soirée. Oh, pas n'importe lesquels, non, mes restaurants fétiches, uniquement.
Il y a quelques mois, elle s'achetait un ukulélé, "juste comme ça".
Il y a quelques semaines, elle offrait à ma mère un agenda, alors qu'elle sait très bien que je lui en offre un à chaque Noël depuis des années, que c'est devenu une tradition.
Alors quand mon ton est monté, elle a pris la mouche. Dépassée par une migraine pénible, dont je l'avais pourtant avertie au début du coup de fil - mais l'a-t-elle seulement entendu - j'ai continué à me montrer désagréable, jusqu'à raccrocher brutalement.
Et à me sentir terrifiée; soudainement. Elle allait m'en vouloir. Se sentir mal. A cause de moi. Qu'allait-il lui arriver ?

S'en sont suivis plusieurs jours de silence. Pas d'appels, pas de sms, rien.
Pour moi, le soulagement a remplacé l'inquiétude.

A la venue de mes parents chez nous la semaine dernière, le contact s'est vaguement renoué, par leur intermédiaire, mais pas réellement.
Et puis elle m'a rappelée avant-hier. "Comment vas-tu ? Voilà, comme chaque année je veux faire quelque chose pour l'anniversaire de maman, une surprise." (Effectivement, d'habitude nous en discutions). "Et donc j'ai décidé, ce sera le 18, chez moi. Je ne sais pas si vous pourrez venir." (Effectivement, elle sait que O travaille le samedi, et que moi je prends le train deux jours plus tard pour les vacances Noël). "Oui parce que ça peut être fatigant, pour toi, de faire l'aller-retour dans la journée. Et puis, je ferai de la fondue chinoise". (Je déteste la viande).
J'ai souri, simplement, mais je ne me suis pas tue. J'ai répondu calmement. Elle a senti que je souriais, s'est énervée. Je lui ai simplement redit, toujours calmement, comment elle m'avait présenté les choses. Nous avons terminé la conversation, j'ai senti son ton vexé. Elle a tenté, une fois de plus, de me reprocher ma méchanceté.

Quoi qu'il arrive, c'est ainsi, je ne pourrai jamais échapper à tout cela. Jamais. Nous serons toujours le jour et la nuit, la bavarde et la silencieuse, la petite et la grande, celle qui a de la poitrine et celle qui n'en a pas, celle qui a un mari et celle qui n'a plus personne, celle qui a un chat et celle qui n'en a pas, celle qui est restée prof et celle qui a démissionné, celle qui joue du piano en virtuose et celle qui a tenté de se rabattre sur le ukulélé.
Celle qui est fragile et celle qui est forte. Un jour, cet équilibre-là a basculé. Dans la mare de sang sur le carrelage. Et depuis, depuis ça me ronge, d'être celle qui est censée être forte.

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12 août 2010

Pourquoi l'épisode 10 de la saison 4 de Buffy est parmi les meilleurs

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- parce qu'on n'y entend pas la voix de Sarah Michelle Gellar pendant 30 minutes sur 45
- ni celle des autres puisque l'épisode est en partie muet
- parce que Tara minaude déjà avec sa bouche mais que son arrivée est quand même chouette
- parce que Alison Hannigan y a une chouette coiffure et commence à devenir vraiment mimi
- parce qu'il y a plusieurs gestes obscènes
- parce que Giles y fait le meilleur diaporama du monde
- parce que les monstres crèvent en explosant par la tête
- parce que c'est flippant (un peu)
- parce qu'il n'y a pas Angel

8 août 2010

He'll beat his wings 'til he burns them black

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Wallace "Whitey" Wolf, a Mechanic for the City Sweeps Out the Repair Garage ..., 10/1974 (@ The US National Archives)

Bon alors voilà, j'ai fait du ménage ici.
Viré les fioritures de la bannière, viré la radio, viré le widget last.fm (parce qu'il y a un moment quand même où il faut se rendre compte que ça n'intéresse personne), corrigé quelques articles, supprimé d'autres, remis en ligne des brouillons, bref, là aussi je ne me fais pas d'illusion sur l'intérêt somme toute très limité de ces modifications, et c'est exactement la raison pour laquelle je ne les détaillerai pas.

J'allais me lancer sur un message haineux et amer contre la blogsphère telle qu'elle a évolué ces dernières années et sur l'ennui (au mieux) que ça m'inspire, mais comme je ne vaux pas mieux, et même que j'y participe, c'est un peu inutile d'alimenter encore un peu ma schizophrénie.

Par rapport au message d'avant, eh bien oui, je n'ai pas échappé aux 99% et on ne m'a pas laissé partir. Et mine de rien ça m'a filé un coup, j'ai même pleuré dans les toilettes comme dans les séries américaines. Mais j'ai réattaqué, quelques mois plus tard, et cette fois, mon directeur a compris que ça ne servait plus à rien de me retenir, et je vais enfin pouvoir quitter ce département en déliquescence qui me porte sérieusement sur le système et use le peu d'énergie qui me reste. Bon, normalement j'aurais dû partir dans 3 semaines et finalement je dois encore attendre un peu, mais au moins la lumière est là, au fond, pas trop trop loin. Je reste au Vaisseau - j'y suis encore trop attachée et j'y trouve encore trop d'intérêts, depuis le logement (pas "de fonction", hélas, on est dans la vraie vie, mais un logement "à prix normal" et "à surface normale", c'est déjà ça) à la distance maison-boulot (faisable à pied en moins d'une demi-heure) en passant par l'odeur des vieux livres et les manuscrits rarissimes (que je ne vois que très rarement mais parfois quand même).

Alors voilà, la semaine je travaille toujours encore et plus et trop, je suis claquée, j'ai mal partout, et le week-end je récupère en zombifiant devant Buffy (que je me refais intégralement, et non je n'ai pas honte, c'est trop bien - et ça me rappelle mes années de glande) en jouant de temps à autre "The Moth" au ukulélé.

Mais je ne désespère pas de passer un de ces jours à un mode de vie un peu plus épanouissant.

[Évidemment pour vraiment sortir de cette dynamique il faudrait que j'arrête de travailler, mais malheureusement je crains que ça ne soit pas pour demain...]

3 mars 2010

Peur de mes malices De mes envies d'ailleurs

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First cars and trains across Sydney Harbour Bridge, March 1932 / Sam Hood (@ State Library of New South Wales)

C'est toujours assez hallucinant à quel point il faut que je décide de partir de quelque part - ou même qu'une éventualité très hypothétique d'un départ se forme en mon esprit - pour que je m'y sente mieux. Dans ce quelque part.

Bon évidemment quand on y pense bien sûr, et quand on regarde mon CV, on voit bien. Que le maximum que j'ai tenu sur le même poste c'est un an et neuf mois, et encore, sur deux endroits différents.
Bon, bien sûr, quand on passe un entretien, dans ces cas-là, on a intérêt à assurer son discours pour ne pas passer pour une sorte de libellule indécise. Je ne sais pas si on m'a crue, d'ailleurs.
Bon, bien sûr, au fond je crois que je m'en fous.

En tout cas, rien que d'avoir fait la démarche de voir d'autres postes, de passer réellement des entretiens, sans que ma hiérarchie soit (encore) au courant, m'a fait perdre cette impression d'être prisonnière, prisonnière de ce grand vaisseau de cristal et de ses labyrinthes bétonnés. Oh dans le fond, je l'aime beaucoup, ce vaisseau. J'aime même, je crois, ses labyrinthes bétonnés. Mais je ne supporte plus mon service, son contexte qu'on m'a caché quand j'ai postulé, la pression, le stress, les crises, les cons, les pauvres types, les lâches, les millions d'heures supplémentaires que je fais (bénévolement) et le pourcentage minime de tâches accomplies qui m'intéressent vraiment, quand je fais un bilan sur un mois.

L'autre poste, il est ailleurs, carrément, ailleurs dans un bâtiment historique, une institution pour ainsi dire, dans le monde médical et dentaire - oui, j'ai malgré tout toujours quelque part cet amour de l'élite, probablement. (Sauf que non, c'est une blague, sinon je n'aurais pas arrêté hypokhâgne au bout d'une semaine et demie - tiens, là encore, un départ qui surprend beaucoup quand j'en parle. D'ailleurs je n'en parle plus trop.) Une responsable un peu speed - mais ça me changera des mollasses - et un côté un peu exigent-austère de 80% de mon éventuelle future activité, mais enfin. Échapper un peu au monde stratégico-managérial qui est le mien aujourd'hui, revenir aux livres, aux étudiants, aux chercheurs. Ce serait drôlement bien.

Cela étant, j'ai sur le papier 99% de chances que mon départ ne soit pas accepté par ma hiérarchie.
J'ai envie de dire tant pis. Il est trop tard, je pense, pour étouffer ce projet maintenant, fût-il voué à l'échec. C'est comme ça.
Parfois savoir qu'on peut partir est plus important que de partir vraiment.

27 février 2010

Inutile de s'en faire Tout ça est loin derrière

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Dr. Claude Colvin Is an English Professor at the Belmont Ohio, Extension of Ohio State University, and One of the Area Leaders Opposed to Strip Mining. Here He Holds Crown Vetch, A Tough Ground Cover Planted over Miles of Hanna Coal Company Stripping in Southeast Ohio near Steubenville. The Vegetation Holds the Dirt But Is Unsuitable for Grazing. 10/1973 (@ The U.S. National Archives)

Cette semaine, je me suis retrouvée à passer, à l'insu de mon employeur actuel - aka "Le Vaisseau" - des entretiens d'embauche. Pourquoi, comment, peut-être que j'aurai le temps d'en parler, peut-être pas.
Le hasard, ou plutôt, assez indubitablement, un atavisme sournois, a fait que mes pas ont été conduits sur des chemins du passé, sur des routes abandonnées, me plongeant, évidemment, face à des résurgences de ces moments-là, de ces mois si intenses, dont j'ai, par bonheur, une trace sur ce blog, à ses débuts.

En effet, pour le premier, je me suis retrouvée dans ce bâtiment même, où, fin 2005, je trouvais le premier boulot qui me plairait vraiment, grâce à Lil - dont j'aimerais prendre des nouvelles, mais comme je lui porte la poisse, je n'ose pas.
En passant la lourde porte arrondie, en posant le pied sur ces marches presque plates, striées d'anti-dérapant et pourtant toujours aussi mal foutues, j'ai tout revu. Mes narines, bien qu'encombrées par une sinusite aigüe et tenace, ont capté malgré tout l'essence du passé. Cette odeur, que jamais ailleurs je n'ai sentie, aujourd'hui atténuée, soit par la maladie, soit par le temps, cette odeur de quoi, je ne sais pas, de colle, de peinture ? Cette odeur qui, mieux qu'un billet de blog, a rempli à merveille son rôle de hameçon, amenant avec elle dans un grand mouvement toute une ribambelle de souvenirs, de sensations, de paillettes du passé.
J'ai croisé des gens qui étaient là déjà à l'époque, pu échanger quelques mots sur des noms, des prénoms, pris des nouvelles de ceux dont le chemin avait dévié.
Dont moi.
Dévié et pourtant revenu au point de départ, comme après une grande promenade.

Mais le poste en lui-même n'était pas situé là. Il s'agissait juste de la direction.
C'est pourquoi, deux jours plus tard, j'avais un autre rendez-vous, pour rencontrer la responsable actuelle. Et cette fois, il s'agissait de retourner dans l'université où j'ai passé deux ans. En sortant du métro, mes pas ont retrouvé leur chemin naturellement - quelques mètres en remontant le boulevard Saint-Michel, puis à gauche, traverser quand on peut, avant ou après le Champo, peu importe, puis remonter d'une allure décidée la rue de la Sorbonne. Passer l'épreuve du vigile de l'entrée - mais là, sans carte d'étudiant à brandir. Puis traverser la cour, aujourd'hui en travaux. Grimper les escaliers de pierre, s'attarder sur les boiseries.
En ressortant de l'entretien, j'ai, avant de sortir, fait un petit crochet par des couloirs, des halls, jeté un œil à travers des portes vitrées pour voir les amphis où, essoufflée, je me faufilais, en retard.
J'ai même senti, dans mon dos, le souffle glacé du fantôme de ma copine molle.
Les étudiants n'ont pas changé, et je ne me suis sentie, finalement, ni plus ni moins des leurs que je ne l'étais alors.
J'ai repensé à cette époque compliquée, où, là aussi dans le froid, mon cœur battait à la pensée que, quelques mètres plus loin seulement, se trouvait celui qui m'était alors interdit - et que j'ai épousé depuis.
J'ai repensé à ma liberté d'alors - car oui, rien n'y fera rien, jamais, je considèrerai toujours le travail, aussi plaisant soit-il, comme la pire des aliénations -, j'ai repensé au plaisir que j'avais d'écrire ici, et de lire les écrits d'une blogsphère autrement plus passionnante qu'elle ne l'est aujourd'hui, et qui ne portait d'ailleurs pas même cet horrible nom. Aujourd'hui leurs auteurs n'écrivent plus, ou écrivent ailleurs.

Je ne suis pas sûre de postuler finalement, car je crois que ce que je cherche réellement, ça ne reviendra jamais.

[Pour l'autre poste, celui qui, tout en étant dans le même quartier, m'intéresse pour des raisons plus professionnelles, là, par contre, je ne sais pas encore]

6 décembre 2009

Car la nuit je mange Une fille aux cheveux oranges

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Paris exposition : Eifel Tower, Paris, France, 1900 (@ Brooklyn Museum)

Tandis que la France découvre Benjamin B. et que ses chansons passent même à Monoprix, je continue de l'écouter, même si cet album est décidément un peu lisse à mon goût. Lui, Aimee Mann et mes ukulélés (car j'en ai deux désormais) accompagnent toujours quelques instants de mes week-ends, compagnons de mes tentatives désespérées de récupérer quelques minutes supplémentaires par semaine, difficilement.

Les cartons sont toujours là, arrogants, pesants, et les heures de travail qui s'accumulent sans que je puisse en faire moins, et puis quelques petits virus par-dessus tout ça, et puis aussi le voyage à préparer, janvier vient si vite.

Désormais, quand je suis à mon ordinateur, je lève la tête, sur cette grande fenêtre encore vierge de rideaux, et devant moi s'étale la ville, les tours du quartier en premier plan bien sûr, mais aussi d'autres toits, et j'ai hâte qu'il neige, que tout soit blanc et brillant.
Je vois le ciel changer, la journée s'égrène au rythme des nuages qui filent, qui changent de couleur, au rythme des éclats de lumière sur les baies vitrées d'en face, au rythme des scintillements de la Tour Eiffel, toutes les heures dès qu'il fait nuit. Les petits avantages du neuvième étage.

J'ai bien sûr cette impression de filer dans une sorte de vie accélérée. Ayant dû mettre en suspens mes séances chez Docteur Dame pendant la période laïonnnaise, mon emploi du temps surchargé et irrégulier - et une certaine lâcheté - m'a empêchée de la recontacter pour reprendre le cours de la thérapie. Vu que je n'ai déjà pas le temps de faire ce que j'ai à faire, j'imagine mal comment je pourrais caser le trajet jusqu'à Convention et les trois quarts d'heure réglementaires. (Mais je sais comme tout le monde que "Je n'ai pas le temps" recouvre toutes sortes de réalités différentes.)
En contrepartie, je dois bien me rendre à l'évidence : je ne m'arrête plus jamais, je n'ai quasiment plus de ces moments "oisifs" que le monde romain chérissait, ces moments où on arrête de faire, faire, faire, et où on pense, enfin.
Je crois que c'est de là que vient ma méfiance des gens qui ont cette peur panique de l'inactivité, jusqu'à se créer des "choses à faire" vaille que vaille, et de cette ambiance générale qui, je trouve, nous pousse vers l'action, sans cesse, et qui ne valorise qu'elle.

C'est la raison principale qui me fait garder ce blog, du coup, je suppose. Ces quelques minutes passées à écrire ces lignes, aussi anodines soient-elles (et je n'aurai même "pas le temps" de me relire) sont pour moi plus importantes que toutes les décisions et actions que j'ai pu entreprendre cette semaine.

Chaque week-end après l'autre, je ressens cette colère infinie, de sentir les minutes derrière moi, et de voir grandir l'ombre du lundi, son immensité glauque, sa présence toute-puissante.

Les quelques minutes de liberté qui me restent, passent, je crois, à chercher comment m'en libérer. J'ai la sensation que nous en sommes tous là, englués dans nos professions, à chercher l'air pur.

J'ai changé de manteau et mes poches sont trop petites pour y mettre mes marrons. Je les ai mis dans mon sac pour les déposer sur mon bureau, au travail : je n'ai pas encore "trouvé le temps" de les en sortir.

9 novembre 2009

The park across the way, the chestnut tree, the wishing well

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Boy with pigeons at [Circular] Quay, Sydney, 22/6/1935 / by Sam Hood (@ State Library of New South Wales collection)

Étonnamment l'interface Canalblog n'a pas changé depuis la dernière fois, n'est pas devenue payante, et j'ai retrouvé facilement login et mot de passe.
Le temps me manque (pour tout) depuis déjà trop longtemps, alors pour savoir si le prochain billet sera posté dans quelques jours ou dans six mois, je vous avoue, je ne sais pas, et peu m'importe. Le fait est que si je veux retrouver l'envie d'écrire des mots, je dois me débarasser des "faits" qui encombrent mes doigts et qui demandent, comme des enfants capricieux, à être relatés. Alors voilà, depuis le mois de juin........

- J'en ai fini avec Laïonne ; l'été, qui m'a réconciliée avec cette ville, les ballades et la redécouverte des pauses-babyfoot ont jeté un voile doré sur mes dernières semaines de cours, qui se sont égrenées dans ma tête avec ce parfum doux-amer qu'ont les dernières fois.

- C'est là-bas que j'ai eu mon dernier coup de cœur incontrôlable. Je l'ai vu sur les quais de Saône, et je me suis dit qu'il m'était destiné. J'ai hésité, pensé renoncer, mais moins de 24h plus tard, je cédais. J'ignorais que la mode du ukulélé avait été lancé par un vague chanteur de télé réalité, mais tant pis. Dès que j'ai un moment le samedi, je joue du ukulélé et c'est super chouette (à jouer, probablement moins à entendre). Satisfaction d'apprendre toute seule au fil de l'eau et des écoutes, parallèle contradictoire de mes années d'apprentissage du piano, qui s'étaient faites dans la contrainte, l'angoisse et le désir de perfection et avaient fait disparaître presque totalement le plaisir de la musique.

- C'est là-bas aussi (probablement) que je me suis bousillé le pied droit (les descentes de la X-Rousse, en courant à moitié, en sandales à deux balles). Après plusieurs semaines de douleurs sourdes, j'ai fini par consulter, faire des examens divers (la prochaine fois qu'on me prescrit une IRM je saurai maintenant qu'il faut je prenne dix calmants) et découvrir toutes sortes d'ennuis et de contre-indications. J'attends un nouveau rendez-vous avant de faire une croix définitive sur les claquettes. Les talons c'est fini.

- J'ai pris de manière permanente mon poste au Vaisseau. Et si j'aime toujours y travailler, mon poste en lui-même s'est, comme prévu, révélé jour après jour plus éloigné de mes envies et de mes (lançons les grands mots) valeurs. Management et commerce en lieu et place des livres et du public. Autant dire que je guette les opportunités et que je filerai dès que je pourrai - en espérant que ce ne soit pas dans trop longtemps.

- J'ai passé l'été sur mon mémoire professionnel, largement perturbé par des circonstances complexes ; j'ai bien cru que je ne m'en tirerais jamais. J'ai finalement fini dans les délais, moyennant un stress notable et durable.

- Après l'arrêt total de mon traitement de fond pour mes migraines il y a maintenant plus d'un an, je n'avais pas noté d'aggravation - avant cet été. Puis, en septembre, ça a été de pire en pire, jusqu'à une crise tous les deux jours (difficile à évaluer quand on ne sait pas ce que c'est). Soigner le stress a un peu aidé (A suivre). Une autre bonne raison pour changer de job rapidement.

- J'ai eu, lors d'une sieste dominicale, une illumination aussi saisissante que singulière : un mot, écrit blanc sur fond marron, comme l'est la ligne Bakerloo à Londres, qui m'est apparu de façon si lumineuse qu'il m'a réveillée. Depuis, il est devenu le prénom insolite d'un futur personnage. A suivre aussi, j'espère. J'ai besoin de temps (encore)

- J'ai découvert Oxford et en suis tombée amoureuse. Je relis Les Royaumes du Nord pour la peine.

- J'ai, grâce au ministère dont dépend le Vaisseau, trouvé un nouveau logement plus grand et moins cher que l'actuel. Nous allons passer de 26 à 60 m². Le déménagement est prévu pour la semaine prochaine (normalement). Le dernier mois a été consacré à rendre ce moche deux-pièces plus présentable. C'est la première fois que je déménage avec la personne avec laquelle je vivais avant. C'est la première fois que je choisis avec quelqu'un des couleurs, des textures, des configurations. Je découvre les week-ends Ikea / Leroy-Merlin avec un mélange de joie et de désespoir (ces endroits sont rapidement l'incarnation de tous les maux conjugo-familiaux modernes, tout de même). Beaucoup d'idées abandonnées à regret, et des contraintes acceptées à contre-cœur, comme par exemple le fait de poser de la moquette (beurk) pour cacher le vilain lino. On verra combien de temps le provisoire durera. Et on verra comment gérer l'enlevage des chaussures dès l'entrée (beurk bis). Je cherche déjà des thématiques pour que la crémaillère ne signe pas l'arrêt de mort de notre sol.

- J'ai trois copines qui accouchent en décembre, ça augmente forcément avec l'âge mais parmi elle il y a Fleur. Et son annonce au téléphone n'a pas résonné tout à fait comme les autres... La vision de son ventre a été en revanche très naturelle. Cette sale petite fougasse n'a pas voulu me dire le prénom prévu pour sa petite fille. Je suis quelque part un peu triste à la perspective de ne pas la voir grandir (car cette fois je crois que le retour de Fleur en métropole est presque définitivement hors de question)...

- Avant-hier, dans un bar du 20è pour la projection de courts d'un copain, j'ai appelé D'elfe, qui habite la même rue. Elle est sortie de son lit pour me faire un coucou. Nous avons parlé, beaucoup comme d'habitude. Elle est lassée de l'assistanat mise en scène et cherche à jouer, de nouveau. Elle en a marre des difficultés inhérentes à cette démarche. De mon côté j'en ai marre des compagnies théâtre amateur et des pseudos cours qui facturent 700€ l'année pour faire de l'impro dans une pièce parquetée éclairée à l'halogène. A un moment de la soirée, nos discours se sont rejoints, étonnés de ne pas l'avoir fait plus tôt : nous allons bosser ensemble. Travailler des scènes. Pour nous. Réapprendre à travailler un texte, un personnage. Une vraie démarche, même si ça ne débouche pas sur de la scène dans l'immédiat, ça me nourrira plus. J'ai hâte.


Le matin, en allant travailler, je fais rouler dans mes mains, au fond de mes poches, les six marrons que j'ai ramassés au bord de la rivière, dans les jardins de Christchurch College. Ils sont mes talismans. Pour ne pas oublier où est l'important. Tous les matins, en allant travailler, j'ai besoin du contact de ces marrons.

1 juin 2009

"I'm getting a little too old for that whorey look"

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Getting a manicure while drying hair at Francois de Paris, a hairdresser on Eighth Street (@Library of Congress)

Quand j'étais à la fac et plus particulièrement pendant mon année de maîtrise en province, mes journées se composaient principalement de 2 heures de cours, suivi ou précédés (selon les jours) de : Motus, Les Zamours (mais pas en continu), La Petite maison dans la prairie, Le journal de la santé (oui à l'époque ça n'était pas un magazine), C'est mon choix, Cap des Pins, Des chiffres et des lettres, puis ensuite j'effectuais quelques tâches, qui pouvaient être, selon le cas, courses, cinéma, visionnage de film, écriture, glande, ou séance de maquillage, dont vernis à ongles.

Ma copine Sophie avait des ongles très longs, très résistants, et toujours vernis. Ses couleurs étaient toujours délirantes, ça pouvait aller du kaki au violet irisé en passant par le jaune, ce qui n'était, je l'avoue, pas du meilleurs goût. Du coup, moi qui avais un peu laissé tomber le vernis à ongles depuis la 1ère, je m'y étais remis. Je ne sais pas combien de flacons j'avais, d'ailleurs j'en ai gardé certains, même si aujourd'hui l'huile se sépare du reste et que c'est proprement inapplicable, poisseux et pâteux. Je pouvais passer des heures à appliquer une couleur, l'enlever, me shooter au dissolvant, empuantir mon studio, et réappliquer une autre couleur, voire plusieurs.

Malheureusement, je n'ai pas les ongles incassables, ou alors je suis spécialement maladroite, je ne sais pas, mais en général, au bout de 1 ou 2 jours, le vernis s'écaille, et au bout de 3, j'ai un ongle cassé. Ce qui me calme en général pour plusieurs mois, pendant lesquels je me satisfais très bien d'ongles courts et propres (ce qui d'ailleurs est parfois plus pratique et plus doux pour certaines choses, mais passons).

Il n'empêche que, aussi stupide que ce soit, avoir des ongles vernis, ça peut donner du peps. Tu es au boulot et tu as tes ongles vernis, c'est différent. Il y a un mélange d'enfance et de féminité, qui, je l'avoue, n'est pas sans me déplaire.
Seulement, mes vernis préférés sont du genre violet foncé, ou alors des teintes plus funs, mais dans tous les cas, rien qui ne convienne à mon poste actuel et à ma situation de "responsable".

Alors comme alternative il y a le vernis rouge. J'en ai un petit flacon que j'aime bien et c'est forcément assez sexy. Seulement voilà, le vernis rouge, à Paris, ben c'est l'apanage de toutes les putes à frange et ça c'est tout simplement impossible.

Du coup, samedi, alors que je venais de passer une après-midi absolument terrifiante niveau shopping (obligée d'aller boulevard Haussmann, j'en ai profité pour chercher deux ou trois trucs que je voulais, style une jupe 60's, et rien, nichts, nada, niente, du Printemps aux Galeries Lafayette en passant par H&M, Mango et Zara, rien), j'ai atterri en début de soirée chez Monoprix en bas de chez moi pour faire quelque ravitaillement, et là je me suis dit que faute de jupe, j'allais chercher un truc dont je rêve aussi depuis que je voue un culte à Marnie, et qui a été sérieusement ravivé depuis que je regarde Mad Men : un vernis à ongle rose, mais un rose spécial, un rose old-fashioned, comme elles avaient toutes à l'époque.
Et là, après avoir erré dans les présentoirs, j'ai trouvé un rose qui convenait presque. De retour chez moi, ça a été comme une sorte de révélation. Mon vernis !
Malheureusement, c'est un rose un poil trop "moderne", ce n'est pas encore "LA" teinte. Mais quand même. C'est à la fois coloré et doux, et s'il ne s'écaille pas dès demain - ce n'est pas gagné - il ne me manquera plus que ma jupe rêvée pour faire une parfaite petite poupée.

Ou autre.

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31 mai 2009

The Office

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City, crowded office space @ The Library Of Virginia

J'accumule les jours passés où je me dis, du matin au soir :"Aujourd'hui j'aurai le temps d'écrire un peu, et de parler de ça et de ça sur mon blog".
Les jours se suivent, je n'ai pas le temps, les ça et ça s'entassent pour devenir un tas de choses anodines, ou de choses trop compliquées pour être expliquées depuis le début.

Au travail par exemple. Je suis de retour au Vaisseau depuis 2 semaines maintenant, après un week-end de rêve dans le sud de la France dont je n'ai pas, non plus, eu le temps de parler... mais je ne désespère pas.

Contente d'être à Paris, contente d'être au Vaisseau, dans ce cadre dont je ne me lasse pas, il y a eu néanmoins, depuis ma prise de poste en décembre, quelques désagréments, qui s'aggravent petit à petit.
Rien n'est simple, mais en quelques mots, je travaille dans un département un petit peu à part dans le monde des bibliothèques puisqu'il contient une bonne part de "commercial". Or, conjoncture et politique actuelle obligent, on nous demande de gagner plus d'argent encore. Et comme l'organisation du travail et l'efficacité en terme de délais laissent à désirer, la direction a programmé en hiver dernier un audit sur notre département.
L'étude en question (le mot "audit" est vulgaire dans mon domaine, comprenez-vous) a commencé en avril, pendant que j'étais à Laïonne. Du fait de mon stage à Londres et de mon mémoire futur sur un point bien précis du circuit de fonctionnement, la consultante exécutive a exprimé le souhait de me rencontrer d'urgence ; nous nous sommes vues un vendredi, et, sortant de mon TGV, j'ai écouté sans ciller son discours pétri d'anglicismes les plus ridicules les uns que les autres, ponctuant son discours de remarques sereines, contrastant avec son stress et son énergie aux dents longues.

Quant à mes collègues, cela faisait des mois qu'ils étaient dans l'inquiétude la plus extrême : sans communication aucune de la part de la direction du département, tout le monde s'imaginait le pire, en particulier l'équipe dont je suis responsable.
A mon retour il y a deux semaines donc, j'ai d'abord eu le plaisir de voir que mon bureau était toujours occupé par le cabinet de consulting. Je savais qu'ils s'y trouvaient pendant que j'étais à Laïonne, mais je pensais que mon directeur aurait la délicatesse de les déloger pour mon arrivée. Mais non. J'ai donc été transférée dans un bureau rempli de nanas, ce qui a de bons côtés, parce que les filles sont de drôles de créatures.
Sur la forme, contrairement à ce que certains collègues pensent, je me fous complètement de changer de bureau, ouhlà, je ne compte pas me transformer en fonctionnaire pantouflarde d'ici peu. Sur le fond, bien sûr, je remarque simplement que de jeunes renards tout fraîchement sortis de HEC, qui sont là pour trois mois, passent avant la dernière cadre embauchée.

Et puis, la semaine dernière, nous avons eu les résultats (partiels et expurgés par la direction, bien sûr) de la phase 1 de l'étude, celle de l'état des lieux. Parmi les 4 points qui sont sujets à une remise en question, 2 concernent directement l'équipe donc je suis directement responsable. Autant dire que depuis, l'ambiance alterne entre le morose et la nervosité, à des degrés parfois insupportables.

Evidemment, secrètement, j'espère que le pôle sera supprimé, et mon poste avec ! Oh, je l'aime plutôt ce poste, qui était mon choix numéro 1 parmi les 25 qui m'étaient proposés au concours... mais j'avoue qu'être responsable d'une équipe était peut-être un peu prématuré, ou plutôt, disons que je suis arrivée à un moment assez peu stratégique, et qu'entre le refus de changement des équipes et la non-communication de la direction, je me dis que le statut d'intermédiaire est possiblement le plus inconfortable qui soit.

Demain je vous parle de mon nouveau vernis à ongles.

[Comme Last.fm ne fonctionne pas ce soir : j'écoute Julie Delpy. Et c'est franchement cool.]


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9 mai 2009

On ne connaît plus les parents des copains

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Rural school children, San Augustine County, Texas (@Library of Congress)

Quand on était petits, et qu'on voulait appeler une copine (ou un copain, mais ça arrivait quand même très rarement), il y avait tout un tas de difficultés et d'épreuves à traverser.
D'abord, si c'était pour une conversation privée, où on risquait de dire des choses que maman ou papa ne pouvaient pas entendre, il fallait aller dans une cabine. A pièces. Trouver donc un prétexte pour sortir. Au centre-ville.
Une fois là-bas, il valait mieux connaître le numéro par cœur. Sinon, tu te retrouvais à appeler le 12 et à noter les renseignements de ta main gauche sur un papier graisseux.
Quand tu appelais, il y avait peu de chance que ce soit ta copine qui décroche. Il fallait donc identifier ton interlocuteur, et c'était d'autant plus ardu que ta copine avait deux petits frères à la voix encore fluette, et que, une fois sur deux, ça ne loupait pas : "Allô Mme Florin ?" "Non, c'est François".
Mais en général, tu tombais sur la maman (plus rarement le papa), tu devais paraître aimable et fréquentable, polie, sans pour autant perdre trop de temps.
Parfois évidemment tu n'avais plus de pièces et tout dépendait de si tu avais eu le temps de donner le numéro de la cabine à ta copine, et là tu attendais la sonnerie stridente, alors qu'une mémé revêche attendait à l'extérieur, avec un air à t'envoyer à la maison de redressement dans la minute.

Vers la fin du mois, il fallait essuyer les engueulades liées à la note de téléphone, et, le mois suivant, redoubler d'ingéniosité pour pouvoir se parler sans avoir le père Florin, derrière, au chambranle de la porte, en train d'engueuler ta copine et de la sommer de raccrocher.

Le soir parfois quand on se voyait alors, on imaginait des stratagèmes qui pourraient rendre possibles des communications privées, où on pourrait se parler à n'importe quelle heure et sans intermédiaire.
On reliait des gobelets en plastique par des ficelles et on se parlait dedans, émerveillées et pensant avoir trouvé la solution du siècle, avant de se rendre compte qu'effectivement, d'une maison à l'autre, ça devenait compliqué.

Les petits d'aujourd'hui ont mille solutions, du texto au portable en passant par msn.
Mais mine de rien, je ne regrette pas complètement cette époque. Quand tu appelais avec le trac de tomber sur Mme Pouscul qui faisait un peu peur, quand tu allais à des goûters d'anniversaire sous la houlette de Mme Dubois, que tes parents s'arrangeaient avec les Pommier pour que ce soient eux qui aillent te chercher ce jour-là à l'école, et qu'il fallait passer tout un trajet en voiture avec eux...
Connaître les parents des copains, parfois, ça ouvrait une réelle fenêtre de compréhension. C'était normal qu'Aline soit aussi bizarre, avec les parents amish qu'elle avait. C'était normal que Fleur soit aussi gentille et aussi humble, avec les parents adorables mais pauvres à la Ingalls qu'elle avait. C'était normal que Mathieu soit un petit con avec ses parents chirurgiens catho famille nombreuse avec piscine et serre-tête.

Aujourd'hui les copains que je me fais, je ne connais pas leurs parents. Soit ils en sont loin, soit on ne les voit pas. Parce que maintenant, ce sont eux les adultes. Et franchement ça me manque. Quand par hasard je rencontre les parents d'un ami "de l'âge adulte", je suis fascinée. La ressemblance. Tous les indices qui t'expliquent tellement de trucs sur le comportement de leur enfant. Et puis, je ne sais pas. L'impression d'être plus proches. Il y a des gens dont les problèmes et les "défauts" peuvent s'expliquer et se justifier par un seul coup d'œil sur leurs parents. Alors bien sûr, il y a aussi tous ceux qui sont bien contents de ne plus avoir l'ombre de leurs parents sur leur vie, pour des raisons diverses. Moi, quand j'ai déménagé de ma petite ville pour ma ville universitaire, tout à coup ça m'a fait bizarre, de ne plus être reconnue partout comme la fille de M. et Mme K. Au départ, j'ai ressenti une certaine liberté. Je pouvais ENFIN faire des conneries, sécher les cours, sans m'attirer la morale de mes profs. Et puis à force, ça m'a manqué. Désormais c'est fini, je suis encore plus loin. Mais ça me manque.

Ce mélange de honte totale et de fierté, d'appartenance, qui se produit quand tes copains rencontrent tes parents.

30 avril 2009

Retour

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Commuters, who have just come off the train, waiting for the bus to go home, Lowell, Mass (@ Library Of Congress)

Je prends le train dans une heure et demie, dernier TGV avant la mi-juin, avant la dernière salve de laïonnades qui me mènera jusque fin juillet.
J'avais commencé un billet lundi, sur le fait que je venais de prendre mon dernier TGV dans ce sens-là avant 6 semaines, alors que je n'avais même pas eu le temps de parler de cette nouvelle période chez les Rhodaniens ; je n'ai même pas eu le temps de le finir.

Comme prévu, avec les beaux jours sont arrivés les rapports, les dossiers, les stages, les autres rapports, les projets, les travaux divers. Comme prévu, alors que je commence tout juste à apprivoiser cette ville et à m'y sentir bien, alors que les journées s'allongent pour m'offrir autre chose que l'impression matin-lever-cours-nuit-coucher, je n'ai même pas le temps d'en profiter. Pas le temps de me balader, hormis mon trajet jusqu'à l'école le matin, que je refais dans l'autre sens les rares fois où j'en ai le courage (l'impression d'escalader un temple aztèque.)

Je n'ai pas pu parler de ce moment où j'ai senti que cette ville arrêtait de me crier "Tu n'es pas chez toi". Je n'ai pas pu parler des lumières du parc le matin, de l'eau turquoise, des cygnes, des oies qui broutent, des poules d'eau ridicules, des écureuils invisibles. Je n'ai pas pu parler de tous ces petits détails particuliers aux Laïonnais, qui parfois m'agacent, parfois m'attendrissent.

Hier, je suis sortie, avec quelques camarades de classe, dans une banlieue paumée, pour voir de la danse. Un spectacle réservé depuis des mois, qui me semblait si lointain alors... C'était hier.

Quand je reviendrai, ce sera l'été.

27 avril 2009

Je prenais ce matin mon dernier TGV pour Laïonne

Je prenais ce matin mon dernier TGV pour Laïonne avant 6 semaines, avant la dernière salve, et j'ai réalisé que je n'avais pas eu le temps de parler ici depuis que j'y étais revenue fin mars.

Alors que la ville prend enfin un visage humain, sous le soleil, que les journées s'allongent et que je n'ai plus l'impression que la vie s'arrête après la fin des cours, c'est évidemment maintenant que, comme je l'avais prédit, tous les devoirs, dossiers, rapports tombent, tous à la fois, tous aussi pénibles, tous aussi massifs.

Du coup, alors que je pourrais profiter de cette ville inconnue, de mon quartier, alors que je pourrais partir en expédition pour en découvrir les trésors cachés, tout mon temps libre passe dans la réalisation de ces travaux stupides.
Dommage, je commence tout juste à m'y faire, à cet endroit.
Seulement maintenant, la ville a arrêté de me crier "Tu n'es pas chez toi ici".
Évidemment, le retour à Paris est toujours un émerveillement, mais la semaine est moins rude. Si ce n'était, dans le désordre, l'absence, la maladie, la fatigue, le boulot.

En arrivant ici en novembre j'ai d'abord aimé le parc. Au printemps, c'est encore mieux, et ça reste mon endroit préféré.
Le ravissement, tous les matins, de voir les oies qui mangent de l'herbe, de me moquer de la démarche des poules d'eau, de voir le lac turquoise sous le soleil, d'admirer la brume dans la colonnade blanche. D'entendre les paons chanter pendant les cours. De sortir le mercredi au milieu de dizaines d'enfants qui s'extasient devant les girafes et le porc-épic, une barbapapa à la main. D'aller faire un crochet vers les daims pelés. De trouver à certains endroits, une paix presque parfaite qu'on ne trouve nulle part à Paris.

Les Laïonnais ont toutes sortes de petites particularités étranges, auxquelles je me suis habituée maintenant.
Au supermarché, personne ne met la petite barre sur le tapis derrière ses achats pour permettre au suivant de mettre les siens. Si vous le faites vous-même, la personne derrière ne remercie pas.
Dans le bus, les chauffeurs sont à 40% dingues, à 40% cons. Les 20% restants sont normaux et sympas.
Les Laïonnais ont beaucoup de mal en général dans les situations de foule. Dans un bus bondé, par exemple, rares sont ceux qui avancent vers le fond du bus pour dégager l'entrée. En période de grève des transports urbains, comme c'est le cas depuis la semaine dernière, ils n'ont aucun sens commun, tout le monde se précipite, écrase, broie, alors qu'au milieu restent des espaces vides grands comme des phoques.
Dans un métro en pente, personne ne fera gaffe que vous avez une valise qui roule et qu'il suffirait que vous puissiez vous accrocher quelque part pour ne plus galérer comme une misérable.
Le réseau de transports, justement, avec ses 4 métros, ses 4 tramways et ses bus, est relativement pourri. Dans le métro, les hauts-parleurs diffusent une radio merdique, un peu comme à Magenta. Il y a des contrôles répétés pendant les grèves. A part ça bien sûr, il n'y a plus grand-monde dans les rues à partir de 21 heures, et personne le dimanche.
Les Laïonnais détestent les Parisiens, avec lesquels ils se sentent comparés - à leur désavantage. Du coup, ils méprisent la province, où il ne se passe rien, et se félicitent de vivre dans une aussi grande ville, où il y a des spectacles. "C'est une ville qui bouge". Ils rayonnent.

Pour résumer, les gens sont aussi cons qu'à Paris mais ont moins de sens pratique.

21 avril 2009

No strings and no connections

Comme vous ne l'aurez sûrement pas remarqué, il n'y a plus de liens sur ma page.

Ex-linkés, rassurez-vous : ce n'est pas que je ne vous aime pas (à part un ou deux), c'est juste un choix lié à plusieurs raisons.

Enfin, je ne vais pas m'étendre, mais en gros : - je ne supporte plus les blogs, surtout ceux qui se prennent au sérieux, - j'ai envie que cet espace se fasse tout petit tout petit, déjà si je n'écris pas c'est un bon pas, mais en plus, si je ne linke personne et que personne ne me linke, j'ai de grandes chances de passer aux oubliettes de nos amis les moteurs de recherches débiles, je perdrai quelques lecteurs en route, et croyez-moi, rien ne pourrait me faire plus plaisir.

Si vous vous sentez d'humeur humaniste, n'hésitez pas à virer de votre jouli blog votre gentil lien vers ici.

Sinon j'ai des tas de choses à dire, comme tout le monde, mais je n'ai pas le temps. Comme tout le monde. Y'en a que ça n'arrête pas vous me direz.

En revanche, pour ne pas que vous pensiez que je suis devenue méchante, je vous laisse avec ma chanson-titre, avec l'ami Fred Astaire.
Je ne me leurre pas, je sais que personne ne cliquera.
M'enfin - je dis ça comme ça - la chanson est chouette (ouais c'est même dispo sur deezer, trop bien hein !)
Et si vous êtes de vilains gâteux fans de claquettes, à partir de 1:50 ça dépote.
Et ça vient de Top Hat, connu aussi sous le nom charmant Le danseur du dessus (et pour le coup si vous regardez vous aurez comme qui dirait le cœur de l'intrigue). Ce n'est pas mon Fred Astaire préféré mais il suffit qu'il danse, après tout...
Et puis si vous êtes de vrais esthètes, vous pouvez cliquer sur le bouton HQ pour avoir une qualité dégueulasse, mais moins. Ceux qui feront ça, et qui regarderont jusqu'au bout, je réfléchirai à les linker.

[insérer ici une vidéo valide]

No strings
And no connections
No ties to my affections
I'm fancy free
And free for anything fancy

No dates that can't be broken,
No words that can't be spoken,
Especially when
I am feeling romancy

Like a robin upon a tree,
Like a sailor that goes to sea,
Like an unwritten melody,
I'm free, that's me!

So bring on the big attraction,
My decks are cleared for action,
I'm fancy free,
I'm free for anything fancy.

No strings
And no connection
No ties to my affections
I'm fancy free
And free for anything fancy

No dates that can't be broken,
No words that can't be spoken,
Especially when
I am feeling romancy

Like a robin upon a tree,
Like a sailor that goes to sea,
Like an unwritten melody,
I'm free, that's me!

So bring on the big attraction,
My decks are cleared for action,
I'm fancy free,
I'm free for anything fancy.

21 mars 2009

Ruth St Denis at Yosemite Valley (@The New York

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Ruth St Denis at Yosemite Valley (@The New York Public Library)

Je veux apprendre à danser la salsa.
Je veux réapprendre à faire des claquettes.
Je veux remonter sur scène, dans un truc moins pourri que l'an dernier.
Je veux refaire du latin et du grec avant de tout oublier.
Je veux apprendre à chanter.
Je veux apprendre l'italien.
Je veux prendre une disponibilité pour aller travailler à la bibliothèque pour aveugles.
Je veux réapprendre le Braille.
Je veux apprendre à le lire avec mes doigts.
Je veux apprendre des textes et des poèmes.
Je veux retrouver Giraudoux et Jouvet.
Je veux jouer Ondine.
Je veux refaire de l'escalade.
Je veux apprendre à nager sur le dos.
Je veux réapprendre à jouer du piano. Et apprendre à jouer d'un autre instrument. Violoncelle. Alto. Batterie.
Je veux refabriquer des choses de mes mains.
Je veux jouer aux Playmobils, pour de vrai.
Je veux réécrire.

8 mars 2009

And I won't kill you because you're just too much fun

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Angleterre a Hyde Park Londres @ George Eastman House Collection

En voyage d'affaire, je ne sais pas comment font les gens. Sans mon amoureux je n'aurais sûrement pas survécu, surtout à l'étranger. Heureusement, finalement, que l'option "un mois à Washington" n'a pas pu se faire. Même si, professionnellement, blablabla. Professionnellement on s'en fout, voilà.

Finalement c'était chouette, j'ai pu parler et écouter, j'ai raté probablement un millier de mots et de bouts de phrases mais bon.
J'ai pris le National Express. Je suis allée dans le Yorkshire. Avec un library manager qui sent mauvais de la bouche et qui a un gros problème de cloison nasale. (J'ai moi-même un problème avec les gens qui ont un problème de cloison nasale)
Autant à Manhattan je me disais toutes les trois minutes "Je ne pourrais pas vivre ici", autant là... je crois que je m'y ferais. Assez vite.

Et puis, ça fait tellement du bien, dans le métro, de débrancher son traducteur automatique, et de juste entendre des paroles, sans la bêtise de ce que ça raconte.
De toutes façons de manière générale les Anglais sont quand même super fun. Franchement. Le vendredi soir c'est défilé des grognasses, mais je ne sais pas, elles sont drôles. Vulgaires mais avec un vrai sens de la fête. Si tant est que ça veuille dire quelque chose. Il n'y a pas la dimension glauque / prétentieuse / triste des apprêtés du samedi soir dans les wagons RATP.

Là-bas, c'était un peu le printemps.
Mine de rien, les semaines s'égrènent. Dans deux semaines, retour à Laïonne, bientôt juillet, bientôt la fin de ces aller-retours, même si là maintenant ça va être l'époque des dossiers / rapports / exposés / mémoires et que franchement, j'ai passé l'âge, et que je doute d'avoir la patience de mener tout ça à bien. Surtout que bien sûr, comme dans toute école nationale française qui se respecte, tout est organisé n'importe comment, on a passé trois mois à glander en début d'année et là tout va tomber en même temps.

Là-bas, une nuit, j'ai fait ce rêve où ma mère est malade, faible, et où je lui propose d'aller faire ses courses à sa place. Elle hésite puis accepte, avant de tomber dans mes bras.
Assez simple, mais ça m'a bouleversée et suivie pendant des jours.

 

Rentrée hier soir, je repars au Vaisseau demain matin.
Bilan de mon séjour comparatif à Londres entre mon service et le leur : pour progresser il faudrait tout restructurer, et se séparer de plus de la moitié de l'équipe. Dont les gens dont je suis la responsable directe. Allez salut les gars. Bon, heureusement, je pense que jamais ça ne se fera. Enfin j'espère, je ne sais pas si je pourrais accepter d'avoir été la messagère d'un tel truc.
Mais il faut y retourner.
Avec l'entrain d'une huître digérée.

26 février 2009

Dans les gouttes, des échelles en verre

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802 Hull Street (@Library of Virginia)

Vendredi dernier, non, celui d'avant, arrivée à la Gare, je savais que je n'aurais pas à prendre le TGV pendant 5 semaines et que j'allais enfin pouvoir souffler, et puis quelques heures plus tard, en soirée, marchant dans mes rues parisiennes les plus familières avec mon O, quand j'ai vu que j'avais encore cette sensation de flottement, comme étrangère à moi-même et à mon environnement, j'ai su qu'il allait me falloir du temps.

[Je ne suis jamais réellement revenue de New York.
Une partie de moi y est restée, c'est peut-être pour ça que, à côté du fait que je n'ai absolument pas envie d'y retourner d'ici peu, je suis comme obsédée, par moments, par des images de là-bas, comme si une autre moi y était coincée, et m'envoyait des signaux.]

De retour au Vaisseau depuis plus d'une semaine, ça a été un peu dur. Retrouver le gigantisme des couloirs, les procédures, les relations de travail, tout ça n'a rien à voir avec la vie à Laïonne - qui, malgré tout, ressemble davantage à une vie d'étudiante, la jeunesse en moins.
Retrouver le stress, retrouver les pressions, retrouver les inquiétudes, retrouver ce monde d'adultes. Je me dis parfois, comment ces gens en arrivent-ils à être aussi sérieux ? Je fais semblant, un peu, d'être comme eux, mais s'ils savaient comme je m'en fous. Comme la gamine en moi a envie de pisser dans leurs bottes.
Quoi qu'il arrive, je dois tout de même faire attention à ne pas devenir l'une de ceux qui font semblant d'être sérieux toute la semaine et qui se "lâchent à fond" le week-end, pour compenser. Quand je vois la transformation qu'a le travail sur certains ex-glandeurs de mon entourage, ça me fait un peu peur. La fierté de travailler. Ils se sentent propres. Grands. Respectés. Le boulot est chiant oui, mais autant s'y faire, s'y plaire. S'en plaindre si nécessaire. Hors travail, ils "délirent". "Sortent". Font la "teuf". Prétendent être restés des ados.
Ils deviennent les pires adultes du monde. D'une tristesse.

A midi, je me suis même retrouvée à la cantine, alors que j'avais réussi à l'éviter jusque là. En décalage dans mon travail par rapport à mes collègues, j'y ai mangé seule. Ce qui n'est pas forcément pire. Derrière moi, un groupe à une table s'amuse à trouver des mots ou expressions qui commencent par "la ré-", "la rè-", "l'arrêt" et tout ce qui est phonétiquement équivalent. Après 5 bonnes minutes de rires autour de la raie du cul, ils lancent chacun leur tour les mots qui leur viennent, la réminiscence, la rémission, la rémanence. Dans ce genre de groupes il y a toujours un pauvre gars ou une pauvre fille qu'on n'entend pas, et les autres redisent le mot qu'il ou elle a dit, et elle n'ose pas dire qu'elle l'a déjà dit, alors elle acquiesce, valide, hoche.
En général cette fille c'est moi.

Je suis contente de changer d'air, demain Eurostar, mais mon anglais n'a pas beaucoup été pratiqué, et encore moins dans mon milieu professionnel, qui se trouve être rempli d'un jargon bien spécifique. Moi qui suis déjà perdue en temps normal parmi des inconnus, je tremble un peu à l'idée de ne pas comprendre ce qu'on me dit et de ne pas savoir poser les bonnes questions.

Hier j'ai déjeuné au bord de l'eau, il faisait froid mais c'était beau - les péniches, les gens des bureaux qui marchent, toujours trop vite, la passerelle, les rollers sur les planches, le soleil sur la Seine, le métro aérien tout petit au loin comme une maquette, si précis, si clair, ça m'a réconciliée. Avec quoi je ne sais pas.

Je lis des infos sur des milliards, d'euros ou de je ne sais quoi, je ne sais même plus ce que c'est, ce que ça veut dire. Je pense à plus tard, dans des dizaines d'années, quand nous aurons perdu tout notre petit confort, nos petits gadgets, et encore plus tard, quand il n'y aura plus d'eau, et encore plus tard, quand le soleil dessèchera les océans avant de nous engloutir.

[Je ne suis jamais réellement revenue de New York. Ces sensations de fin du monde à la vision de cette vie forcée et acharnée ne me quitteront jamais.]

On m'apprend que je suis en page d'accueil de Canalblog aujourd'hui, bienvenue à vous braves gens, c'est une erreur malheureusement, ici il n'y a pas grand-chose, juste quelques mots, rarement les bons, mais parfois si, et pour le parfois, je continue, toujours, quand ça me prend.

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