Dear Diary

7h54 Mon réveil sonne.
8h20 Il faudrait que je me lève, en fait.
8h44 Je me recouche.
9h20 Je crois que je n'ai plus le temps de me laver les cheveux.
9h28 Je sors de chez moi, entre dans l'ascenseur, vois mon visage dans le miroir.
9h29 Je rentre. Maquillage express, minimum syndical après une nuit trop courte.
9h30 Je sors pour de bon.
9h31 A l'arrêt de bus, une fille, debout, arqueboutée sur elle-même, souligne des phrases sur un bouquin qu'elle appuie sur ses genoux.
9h35 A l'intérieur du bus, la fille continue ses soulignages. Elle souligne des pages entières, avec un bic comme règle. On a dû lui dire, à elle aussi, que cette année ça ne rigolait plus, qu'elle ne devait plus faire de lecture inutile, qu'elle devait donc prendre des notes ou repérer les choses importantes, quitte à bousiller son bouquin et à oublier tout ce que "lire" voulait dire pour elle quand elle a choisi des études de lettres.
9h45 Arrêt de bus Luxembourg. J'essaie de respirer un grand coup pour sentir l'odeur des marronniers du Jardin, mais rien à faire. Gasoil et gras de McDo.
9h48 Escalier de la Sorbonne. Je grimpe quelques marches, je n'ai déjà plus de forces, j'ai encore trois étages. Je me dis que je mourrai avant la fin de la journée.
9h55 J'arrive au 3ème étage. Des camarades revêches attendent le début du cours, lisant des bouquins, un surligneur à la main.
10h00 Nous rentrons tous dans la salle où règne l'ambiance moite de la classe d'avant. Morte de chaud, je vais tout au fond vers la fenêtre.
10h15 Mon stylo est vide. Evidemment, comme j'ai pas de trousse, j'ai pas de rechange, je prend un vieux bille qui traîne au donc de mon sac, qui glisse et qui écrit mal.
10h30 Je crève de froid.
10h45 Je viens d'écrire un truc sur ma feuille mais je n'arrive pas à savoir quoi puisque je l'ai écrit en dormant. Longtemps que ça m'était pas arrivé, ça aussi.
12h00 J'ai faim. Je rejoins Sandrine qui est la seule fille qui m'ait répondu par autre chose qu'un air outré où une indifférence blasée quand je lui ai adressé la parole. Il est évident qu'on va manger ensemble.
12h05 J'achète un bout de bouffe.
12h15 Je me rends compte à quel point Sandrine est molle. Elle marche à 2 à l'heure. Ok j'ai un peu tendance à tracer mais merde, pendant une pause de midi ça me fait chier de ne faire que bouffer. Sandrine m'explique qu'elle a du mal à bosser vite. Je me dis d'une manière assez odieuse mais tant pis que le concours c'est pas gagné pour elle tout de même.
12h30 On est enfin revenues à la fac, Sandrine a froid et veut manger dans les couloirs. Je me dis que je pourrais lui dire qu'elle m'énerve à être molle comme ça mais en même temps j'en n'ai pas le courage. Je suis une sale conne.
12h32 Le copain de Sandrine l'appelle sur son portable. Elle lui raconte sa demi-journée dans tous les moindres détails. Chaque semaine c'est comme ça, je me dis que c'est terrible d'en arriver à ce point de dépendance.
12h50 Ca fait à peu près 15 minutes que j'ai fini de manger mais Sandrine attaque à peine son sandwich.
12h59 "Tu crois qu'on a le temps d'aller prendre un café ?" "Ben moyen"
14h00 Sortie de cours. J'ai décidé de sécher le cours du soir, trop marre. Je trace hors de la fac, loin, vite, haut.
14h15 Je rentre dans la Fnac, Michel Rocard en sort. Ou son sosie parce que j'ai pas bien vu.
14h20 Mes amis sont compliqués. Je me dis que je ferais mieux de m'exiler au Pérou.
14h45 Aux toilettes mixtes de mon boulot (qui sont les plus confortables du quartier), je m'aperçois qu'il y a une rangée pour les hommes et une autre pour les femmes. Et que jusqu'ici j'étais toujours allée du côté hommes.
14h50 Je vais narguer mes collègues puisque je ne bosse pas le mardi. En fait tout le monde a peu dormi cette nuit, c'est drôle.
15h55 Métro Convention. Une odeur de frite se dégage. Je suis pourtant à une centaine de mètre du McDo.
16h20 Je me demande pourquoi je suis comme mon père pour certains trucs. Déstabilisée.
16h45 Ayant définitivement décidé de sécher pour m'avancer dans le boulot, je me dis que je peux aussi prendre quelques minutes pour me chercher un manteau pour remplacer mon vieux gris pourri qui me donne l'impression d'être un déchet ambulant. Sauf qu'en fait je suis très chiante parce que j'ai une idée très précise de ce que je veux et que cette idée ne comprend ni les couleurs grises, noires, marrons, ni une forme de sac. Autant dire que j'ai retourné la ville sans rien voir de chouette.
16h50 12'' Oh le beau manteau !
16h50 14'' Oh 395 € !
17h00 Métro Montparnasse. Le groupe Kaktus joue des airs de Pérou. Avec un arrière-gout de bitume.
17h01 Je ne comprendrai jamais les gens qui achètent des fruits et légumes sur les stand qui sont dans les couloirs du métro.
17h02 Chouette un centre commercial, je vais pouvoir trouver plein de choses à acheter.
17h03 Chouette c'est les 3J aux Galeries Lafayette, je vais peut-être pouvoir trouver un gros sac Mandarina Duck pas cher.
17h04 Oui donc seuls les moches et petits sont soldés.
17h09 Je croise mon cousin. Ou peut-être pas, parce que je ne me retourne pas pour vérifier. A quoi ça servirait, pas l'intention de lui parler anyway.
17h10 Cool des gants orange doux. Et des écharpes vertes. Je me dis que l'écharpe et le bonnet que j'ai commencé à tricoter il y a un an et demi sont à présents à la mode. Il faudrait que je les termine. Problème : je ne sais probablement plus comment on tricote.
17h30 J'ai fait le tour de tous les rayons des Galeries, vu des manteaux laids, en poils de troll, en maille de conne, en forme de lambeau. J'ai essayé deux 501, je ne sais pas pourquoi puisque cette forme ne m'a jamais été. Mais bon ils étaient moitié prix.
17h31 Je sors des Galeries et croise Ségolène Royal. La vraie cette fois sans aucun doute.
17h32 Tiens, mon ex-beau frère. Là je vérifie parce que si c'était lui j'aimerais bien lui causer. Mais en fait non c'est pas lui.
17h33 1, 2, 3, boutique de mémé un peu, mais y'a des formes un peu différentes, j'entre. Une charmante vendeuse me demande ce que je recherche, mais gentiment et doucement, pas genre "J'peux vous aider" agressif et inintéressé. Elle me montre un chouette manteau qui selon elle m'irait bien (charmante, j'vous dis) et c'est vrai qu'il est chouette mais il est noir. Moi je la regarde et elle est toute pétillante et je vois qu'elle a bien compris ma détresse et qu'elle aussi elle trouve qu'elle est triste, sa boutique.
17h38 23'' Je rentre chez Kookai. Mon pseudo-ex-beau frère en sort.
17h38 28'' Je sors de chez Kookai.
17h40 Je rentre chez Sud Express. Mon pseudo-ex-beau frère y est. Des trucs chouettes mais atrocement chers. Je me dis Ce mec me suit ou quoi et en fait c'est plutôt ou quoi puisqu'il achète un pull.
17h45 Je suis brocouille. Je vais chez Habitat pour voir les beaux objets lisses et design que je n'achèterai jamais. Je prend un catalogue. Je m'apprête à le mettre dans mon sac plastique Gibert mais je m'aperçois que je n'ai plus mon sac plastique Gibert.
17h47 Je retourne dans la cabine des 501 et demande si on n'a pas trouvé un sac Gibert. Super il est encore là. En même temps il contient des feuilles recyclées et deux stylos, donc bon.
17h48 Retour chez Habitat. Trop bien, la table créée par Daft Punk. Par contre j'ai pas trop compris l'étagère CD de Sharleen Spiteri, un peu déçue je suis, là Sharleen. Je me dis que comme d'hab je repartirai avec un cendrier ou une bougie, et en fait même pas, tout est réellement trop cher. Je me demande un instant si les vendeurs ont les moyens d'acheter des trucs dans leur magasin ou pas.
17h53 J'entre chez C&A. Pas pour acheter ni même pour regarder, hein, juste parce que ma sortie est à l'autre bout.
18h00 Dans le bus, j'ai le dos en miette et le ventre vide.
18h25 Au même arrêt que moi sort une fille magnifique, grande avec de beaux cheveux bruns. Elle a un manteau gris pourri. Je me dis alors que mon problème de déchet ambulant ça vient plutôt de ma non-classe et pas de mon manteau gris pourri.
18h26 Je déprime.
21h12 Quelqu'un me fait remarquer que le catalogue Habitat coûtait 3€ et que je l'ai donc volé.
21h13 J'ai un peu honte et puis je me dis que c'est presque l'événement le plus intéressant de ma journée.

Comments

[Stella K]

nanie> Eh bien tout à fait, des grosses piles à l'entrée, ça pousse à piocher. En plus je ne prends quasiment jamais les catalogues de nulle part, c'est fou ça tout de même !

Josaudio> Ah c'est donc ça, je me disais bien que mon sac est toujours un peu lourd...

Pandore> Ah là là, commencer un tricot, oui là ce serait même pas la peine, je ne sais vraiment plus... sauf que... La dernière fois, j'ai eu la bonne idée de filmer mes mains pendant que je le faisais, parce que je savais bien que ma mémoire ne tiendrait pas le coup, la mauvaise. (Si ça se trouve ça ne suffira pas, m'enfin j'aurai au moins essayé.)

Pour le bonnet, c'est surtout un bonnet facile à faire, pas forcément super joli... Des détails par mail.

[Pandore]

Tu tricotes quoi comme bonnet ? Ca m'interesse... bien que je ne sache plus non plus commencer un tricot...

[Josaudio]

Qui vole un catalogue, vole une armoire normande !

[nanie]

té mon chéri aussi a volé le catalogue de habitat
faut dire qu'il les empile de manière à ce qu'on se serve