The Net Ultimatum
Quand, à quelques jours d'emménager à Laïonne, je me suis retrouvée sans toit, il y a eu un gros vent de panique, suivi d'une sorte de miracle à base d'amie de lycée mariée-un-enfant retrouvée via Facebook qui avait une collègue qui avait une copine qui partait en stage pendant 3 mois et qui voulait bien sous-louer son appart pendant ce temps, surtout à une copine d'une copine d'une collègue. Vous pensez.
Appart top (excepté le clic-clac maléfique), dans un quartier top, avec tout ce qu'il faut comme accessoires et commodités, vu que la fille vivait dedans, et avec, surtout, détail important, une connexion internet.
Et puis voilà, en un battement de cil l'échéance est arrivée, son stage se finit la semaine prochaine.
Je viens de passer des jours à écumer les sites immobiliers pendant les cours (au moins ça m'aidait à me maintenir éveillée), à téléphoner par-ci par-là pendant les pauses, à redouter de me retrouver dans les quartiers pourris et désertiques que je connais maintenant un peu, du style Alors pour les courses oh ben c'est GÉNIAL vous avez la Part Dieu à à peine 20 minutes ! (moi et les centres commerciaux, c'est inutile d'insister, d'autant que celui-là est réputé comme "un des plus gros d'Europe" >>> shoot me now.)
Et puis, assez rapidement finalement, j'ai trouvé quelque chose, dans le même quartier bien sympa, je l'ai visité avec mon amoureux, de passage la semaine dernière... Pas de gros coup de cœur, plutôt même quelques craintes (rez-de-chaussée, pas de vraie porte d'entrée, froid ambiant...), mais comme j'aime bien le coin et qu'à vrai dire j'étais un peu, comme on dit si joliment, acculée, je me suis engagée.
Aujourd'hui, signature, et dieu sait combien je déteste ça. Être à l'affût du moindre mot (là par exemple, prise de tête pendant une bonne demi-heure avec gestionnaires, conseillers juridiques, pour simplement cocher une case "résidence secondaire" à la place de "principale".), signer sans broncher des trucs où on te dit que bon la zone est inondable, et que bon, énergétiquement parlant, c'est pas gégène, et que si tu ne veux pas mourir de froid tu vas casquer, mais bonne nouvelle, pas de plomb, vous pouvez même lécher les murs madame si vous voulez (ok poulette chacun ses fantasmes), une paraphe ici madame (c'est pas masculin, paraphe ?) et là aussi et là et là et il y a encore ces trois exemplaires haha je vous fais faire de l'écriture hein. Pourquoi tous les agents immobiliers sont des clones les uns des autres ?
Et puis, l'état des lieux. Pire encore, surtout pour un meublé. Surveiller le moindre truc et vérifier que la nana met bien ce que tu lui dis, les bonnes lettres dans les bonnes colonnes. Oui non là 'Bon état' je ne pense pas non. Et forcément des trucs qui déconnent, ah oui la chasse d'eau fuit en effet, je vais vous faire venir quelqu'un madame ne vous inquiétez pas. Et forcément des trucs crades un peu partout puisque, je le découvre de plus en plus, il semblerait que ce soit totalement has-been de faire un VRAI ménage quand tu te barres d'un appart. Les gens sont des porcs.
Et enfin, évidemment, toujours la crainte que mes pires ennemies (et bientôt les vôtres) soient tapies dans un coin et re-transforment ma vie en un cauchemar. Plus jamais je ne pourrai être tranquille en arrivant dans un nouveau lieu (appart, maison, hôtel), ni même en hébergeant innocemment un copain. Plus jamais. Un jour vous comprendrez, même si je ne vous le souhaite pas.
Donc, comme le témoigne cette diarrhée verbale en tout point passionnante, très dans le style "eh bien madame Michu, on avait besoin de parler", je crois que je viens de vivre une fin d'après-midi en soi déjà extrêmement stressante.
Et pourtant, ce n'était que le début.
A peine la nana sortie de mon nouveau chez-moi, après un rendez-vous dont elle n'avait sûrement pas pensé qu'il durerait une heure et demie, quelques vérifications faites, quelques déconvenues plus tard (la chasse d'eau a VRAIMENT un gros souci), les clés en mains, je sautille joyeusement vers l'agence SFR d'à côté pour leur demander gentiment une connexion internet : j'ai encore une semaine à passer à Laïonne avant mon stage, alors autant dire que ça m'est vital, et ça l'est d'autant plus pour les deux blocs de 6 puis 4 semaines qu'il me restera à tirer jusqu'au mois de juillet.
Et puis, après l'appel fatidique au service des bidules, il s'avère que la ligne téléphonique n'est pas construite. Et ça, ma petite dame, autant être honnête, ça prend quatre semaines. Je réfléchis vite dans ma tête : je reste une semaine encore puis je pars en stage un mois à Paris et à Londres, puis je reviens... Peut-être jouable ? Sauf que non, madame, pendant cette période, les techniciens ont besoin d'accéder à l'appartement, la ligne doit être testée, etc.
En gros ? C'est mort. Je me renseigne alors sur les clés 3G et m'esclaffe en voyant les prix des FORFAITS. Oui oui, des forfaits, avec un NOMBRE D'HEURES LIMITÉES.
Et là, je me vois, seule dans ce grand studio gelé, emmitouflée dans un manteau, face à un ordinateur vide. Plus de skype, plus de distractions, de vidéos, plus de petit dèj avec les nouvelles fraîches, plus de services à portée de main.
J'imagine bien qu'il y a des gens qui vivent sans internet... Mais moi, rien que d'y penser, c'est tout simplement l'horreur. Oh la vilaine technophile. [Et ma camarade ce midi qui se fout de moi alors que je m'enflamme (apparemment) en lui expliquant ce qu'est Netvibes.]
Je passe en ce moment-même ma dernière soirée dans ce petit appart cool avec sa connexion internet et j'aurais envie de tout happer, d'un coup, de passer la nuit sur le web s'il le faut, comme avec un amant qu'on quitterait pour longtemps.
Plus sérieusement, que vais-je faire ? Comment survivre ? Je me vois déjà arriver le matin super tôt à l'école et me jeter sur les postes, et y rester le soir jusqu'à 19h55... Mais ensuite ? les soirées à la maison ? Alors oui, je vois le genre : tu pourras écrire, tu pourras lire, tu pourras faire des choses, qu'est-ce que tu crois, la vraie vie existe.
Mais passer toutes les semaines sans voir son visage ?
Sans couper la connexion et la conversation vidéo depuis le fond de mon lit, jamais avant d'être sûre que le sommeil va m'emporter ?
Je ne crois pas en être capable...