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Coccinelle et Clémentine
15 juin 2008

34

Dans le matin je suis allée chercher ma lettre recommandée, sachant déjà ce que c'était je n'ai rien ressenti en la lisant, je l'ai rangée sagement dans mon sac pour prendre le métro. Il était trop tard pour y aller à pied. J'ai compté ce qu'il restait - 34.

Au poste de retour de 10h à 13h - ah le public du matin. D'autant plus le samedi. Lève-tôt et natifs du quartier.
Certains vous découragent d'être aimable, de dire bonjour, ou même de sourire. Les livres balancés sans un mot, les uns après les autres, n'importe comment, devant moi.
Il y a cette vieille à la figure et la voix masculines, avec qui j'ai déjà eu un litige pour livre non rendu qu'elle n'avait, bien sûr, jamais emprunté, d'ailleurs elle ne connaissait même pas le titre, et puis comment osions-nous prétendre qu'elle avait volé un livre ? Avant de revenir, trois jours plus tard, le livre en main, la hargne pas même éteinte. Aujourd'hui quoi qu'elle fasse, bien que sa peau trahisse une maladie et que sa méchanceté ne soit que l'effet de sa détresse et de sa solitude, je ne peux que lui sourire mécaniquement, le minimum syndical, rien de plus.
Il y a parmi tant d'autres cette vieille qui tousse, bouche largement ouverte, glaires au fond de la gorge, en rendant ses livres.
Je redoute la venue (comme souvent le samedi) de celle qui transporte l'odeur la plus nauséabonde et la plus forte qui m'ait été donné de sentir. Une odeur de cadavre, une odeur de tannerie, une odeur de cancer, qui s'émane à plusieurs mètres autour d'elle et qui reste dans le hall plus d'un quart d'heure après son départ. Je ne sais toujours pas à quoi peut être due une telle puanteur. J'imagine le pire.

Les livres s'entassent à côté de moi. Quand le flot des lecteurs s'interrompt, je prends une minute pour les ranger sur les chariots vaguement préclassés. En général je les prends par petit groupe et je les dépose doucement. Aujourd'hui j'en prends cinq ou six dans chaque main et je fais claquer leurs tranches sur le métal. Comme quelqu'un qui range. Quelqu'un d'actif. Qui ne s'embarrasse pas de ne pas faire de bruit, qui ne s'embarrasse pas du fait qu'il s'agit là de livres, pas de n'importe quoi. Aujourd'hui peu m'importe, je fais comme les autres. Ce sont juste ces objets avec lesquels je dois travailler.

La stagiaire vient vers moi pour me demander si elle peut m'aider. Il ne reste plus qu'un livre à ranger. Je lui dis en souriant que Non merci, je pense que ça va aller.

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Commentaires
S
Si tu passes (et réussis) un concours, tu feras au moins un peu plus que tout ça, de toutes façons...
M
Moi qui tente de trouver de la motivation pour passer un concours pour travailler en bibliothèque...enfin aucun métier n'est parfait!<br /> :)<br /> ps: Hier j'ai pensé a toi, j'ai croisé des Susuwatari... :p
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