Le doutage
Ça commence par un lever à 8h le dimanche matin après un samedi passé à bosser avec le cœur au bord des lèvres et rien dans l'estomac. Autant dire, en fait, que ça commence mal. Que l'on est proche de l'hérésie. Que je suis prête à maudire mon ragazzo d'avoir eu cette idée débile de se marier à l'église, à maudire ce mariage même, tellement la tête me tourne et tellement mon lit m'appelle.
C'est ensuite l'arrivée dans un endroit moche où tous les couples présents semblent prêts à être des winners. On se serre la main, on donne son prénom, comme si déjà le jeu avait commencé, comme si déjà on traquait les prénoms bizarres - ouf, il n'y en aura pas. Et au final, il ne s'agira que de ça : donner de soi-même (ou de son couple, mais dans ce cas ça revient au même) une image idéale, donner les meilleures réponses, aligner banalités sur banalités concernant l'amour et la vie à deux. Le couple "expérimenté" qui nous encadre, plus Le Quesnoy que nature mais version parisiens djeunz - elle, fatiguée (les enfants vous comprenez) mais bronzée, lui, désinvolte (je suis l'homme vous comprenez) mais lunettes concernées - n'aura de cesse de nous répéter l'importance du dialogue, le danger du quotidien, la nécessité de se "ménager des espaces en amoureux". Sans blague. Il n'y a de place que pour des doutes aseptisés et des craintes universelles.
Puis ils parlent tous de Dieu et de leur vie avec l'Eglise et, m'attendant à ne pas être la seule "chrétienne" loin de tout ça, je suis forcément déboussolée de l'être. Je fixe les questions sur le papier. Qu'est-ce qu'être chrétien pour moi. Rien. Qui est Jésus pour moi. Personne.
Ils parlent tous de Dieu avec une superficialité qui me renverse, et moi de quoi ai-je l'air avec mes questionnements ou mes tâtonnements - que je tairai, de toutes façons, en grande partie ? Tous ils parlent de Dieu et ils n'ont même pas la décence d'être ridicules ou chiants, ils restent normaux, même parfois drôles. Difficile de se braquer ou de critiquer, rien n'a de prise, tout glisse parfaitement.
L'estomac vide et barbotant, je m'imagine verser des flots de vomi ou de bile sur cette tablée, juste pour voir, juste pour salir un peu, juste pour écarquiller ces paires d'yeux alignées.
Six heures plus tard, oui, six, qu'ai-je pu découvrir sur moi, sur lui, sur nous ? En quoi ai-je été orientée, éclairée, rassurée, guidée ?
J'ai juste gagné l'impression d'avoir trouvé la pire façon de passer un dimanche. Et le pire reste peut-être à venir.
L'orgue a intérêt à assurer.