Un peu du pourquoi
En disant tout haut mon âge l'autre soir, j'ai encore une fois été prise au piège de l'Angoisse, celle qui me fait penser que ma course vers la mort est bel et bien entamée, que rien ne l'arrêtera, et que je vais avoir de moins en moins le temps de savourer les moments présents.
Il y a 10 ans j'avais 18 ans, je vivais indépendante depuis plus d'un an, je n'étais pas forcément sentimentalement très équilibrée mais enfin je savais que j'avais encore toute la vie devant moi. Professionnellement j'étais plutôt dans le flou, dans la non-envie (à part le rêve d'être une sorte d'actrice-scénariste internationale), mais j'étais étudiante, avec ce que ça suppose comme liberté intellectuelle, comme temps libre, comme curiosité de tout, comme ouverture entière et pleine sur le monde.
Aujourd'hui ce serait idiot de dire que ma situation est plus mauvaise puisque c'est faux. Tout est mieux, tout est plus rassurant, l'instabilité a fait place à un début de plénitude.
Mais parfois, il suffit d'un rien, d'une réminiscence, par exemple celle de l'heure du bain, il y a plus de 20 ans, le dimanche soir, après Cat's Eyes et avant Benny Hill, à l'époque où je pouvais tenir entière dans la baignoire sans avoir à plier le moindre membre, où quelques bateaux et quelques playmobils suffisaient à créer un océan tumultueux où les aventures étaient sans limites et où mon esprit d'enfant partait, loin, très loin, derrière les montagnes de mousse et les tourbillons de la bonde, où j'étais un dieu tout-puissant, glissant contre les parois et rendant tout possible, où chaque minute était élastique et extensible à l'infini. Aujourd'hui je regarde le bout de mes doigts fripés par l'eau, détail qui me fascinait petite et qui aujourd'hui m'inquiète vaguement : est-ce que ce sera à ça que je ressemblerai, des pieds à la tête, quand je serai vieille ?
Tant d'instants perdus que j'ai envie de retranscrire par les mots, pour ne pas les perdre, pour ressentir un peu d'un pouvoir illusoire contre cette fin inexorable. Mais j'aurais aussi aimé avoir davantage écrit sur le moment, pour retrouver plus tard la sensation intacte, ou presque. Alors voilà, ici parfois je dis juste un peu de ce quotidien inintéressant à tous sauf à moi. Pourquoi ici, je ne sais pas, il y a probablement un peu d'exhibitionnisme, et aussi la croyance que ceux que ça n'intéresse pas du tout peuvent passer leur chemin. Pour éviter aussi que, quand le jour sera venu pour moi d'écrire à nouveau "pour de vrai", mes mots soient parasités par des considérations nombrilistes et égocentriquement affligeantes. L'un n'empêchera peut-être pas l'autre. Mais je revendique haut et fort ce droit à la frivolité et à la médiocrité. Ce qui ne compte pas pour vous comptera pour moi... C'est, ça aussi, égocentrique et affligeant, mais malheureusement assez vrai.
C'était un peu du pourquoi.
De toutes façons si Canalblog continue à nous inonder de Google Ads comme ça il se peut que je m'évapore dans la nature, moi, mes coccinelles et mes clémentines.
PS pour Laetitia et ceux que ça pourrait intéresser : http://www.billetreduc.com/20421/evt.htm