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Coccinelle et Clémentine
6 février 2008

Les lumières de la ville

Emportée par un long escalator montant irréversiblement vers la surface, renversant mon visage vers le ciel, qui se révélait au fil de la montée, pour en recevoir la pluie sur ma peau, je sortis de la station de métro et je posai le pied sur le trottoir ferme.
Et quelque chose clochait.
Mes pas avaient un son plus proche, peut-être.
Les autres gens n'étaient que des ombres. Des ombres lointaines et indistinctes, dont je ne pouvais vérifier l'humanité qu'en les approchant de quelques centimètres.
Une certaine angoisse ténébreuse m'étreignit.
Contrairement à ce que le suspens littéraire eût exigé, il ne me fallut pas plus d'une seconde pour comprendre ce qui, prosaïquement, se passait : tous les lampadaires du quartier étaient éteints. Mystérieusement mais simplement.
Mon esprit jaugea : cinq à dix minutes de marche encore. Prenant le temps de mesurer tout ce que cette absence de lumière provoquait comme changements sur cet environnement familier, je pensai au Moyen-Âge, aux rues mal éclairées. Les coupe-gorges. Les bandits. La bourse ou la vie. Les honnêtes gens détroussées. Je me sentis un instant reconnaissante envers l'existence de ces lumières publiques. D'ailleurs, sur ce trajet qui me séparait de chez moi, qui sait. Une de ces ombres pouvait surgir, de n'importe où, et me dérober, m'agresser, m'égorger. Personne n'en saurait rien, on me trouverait, des heures plus tard. Dans le caniveau. Exsangue.

Je marchais.
La pluie était droite et franche.
Les ombres, finalement, devenaient visages, une fois rencontrées.
Tout à coup je sentis Dexter s'élancer, à toute allure, sans la crainte d'être vu, libre de tout. Allait-il s'attaquer à un passant, le déchiqueter, profiter de l'obscurité pour agir impunément ? Les coupe-gorges, les bandits... Au Moyen-Âge, alors, c'était donc ça : j'en aurais fait partie ? Allais-je me laisser aller à mes pires pulsions et déchaîner ma violence sur quelqu'un ? Je sentais que j'en étais capable, qu'il en était capable.
Mais il se contentait de courir.
Plutôt gaiement.
Au loin, les ombres perdirent leur aspect menaçant. Leurs Dexters couraient aussi, libres de tout, et ils avaient mieux à faire que de déchiqueter sur leur passage.

Je respirais et Dexter continuait sa course ; je respirais comme si je n'avais pas respiré depuis des mois.

Arrivée sur l'avenue, tout était normal, ou, plus précisément, tout était habituel.
Mes pupilles se rétractèrent en même temps que Dexter stoppait tout net sa course et forçait son chemin vers l'intérieur de mon ventre. Aveuglée et saisie comme par un rayon, je traversai le passage piéton, blanc et brillant.
Anesthésiée et mise à nu comme au bloc opératoire, je poursuivis mon chemin vers le fast food.

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Commentaires
L
VERS le fast food ..
L
poursuivis mon chemin sur le fast food ? à tiens pourquoi pas, on est bien loin de l'ambiance Moyen-Age... ça m'a fait sourire ces derniers mots ;-)
B
J'ai l'impression que Dexter a un petit coté Gremlins peu rassurant, du genre il ne faut pas lui mettre de l'eau dessus, sinon il sort ses griffes :)
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