Surhumain
Je croyais que je n'y arriverais pas, déjà, à accepter l'invitation à cette fête, invitation faite par - nous l'appellerons Ghislain - une sorte d'ex-ami avec qui tout est si inextricable, compliqué et simple à la fois que je ne comprends toujours pas très bien où j'en suis moi-même. Finalement je n'ai pas longtemps hésité parce que le Birthday Boy était bien plus important que toutes ces conneries.
Je croyais quand même que je n'y arriverais pas, à lui répondre normalement, à Ghislain, quand il m'a demandé des petits services, alors qu'il y a quelques mois, il en était à, je cite, ne pas venir à quoi que ce soit que j'organiserais. Finalement je n'ai pas longtemps hésité non plus parce que, outre que la cause était bonne, je ne sais jamais vraiment refuser quand on me demande quelque chose. Et puis je l'avoue, j'ai eu un moment où je me suis dit que, peut-être, c'était une tentative de pas vers une réconcialition tiède. Bon je ne l'ai pas pensé longtemps.
Je croyais par-dessus tout que je n'y arriverais pas, à être naturelle et amicale en vrai avec lui. Et à ne pas lui en vouloir de la présence de sa volaille de collègue, que je m'étais pourtant juré de ne pas revoir, à moins d'en profiter pour mettre au clair avec elle deux-trois trucs à propos de sa connerie, même si, selon Ghislain, elle ne les aurait pas compris de toutes façons. [C'est beau l'amitié.] Ne pas lui en vouloir de la présence de cette volaille et aussi de l'absence de Piquant-Paï, officiellement parce que quand un ex est présent à une fête, on invite pas l'actuel, mais quand même, ça les a bien arrangé, Ghislain et sa volaille, de se reposer sur ce principe.
[C'est amusant comme dans d'autres circonstances ça devrait être avec l'ex en question que ma présence à cette fête soit un problème.]
Eh bien j'ai été exemplaire, je crois, avec ma belle robe transparente - mais pas vraiment - et mes cheveux qui ont perdu le rouge des premiers jours mais qui prennent un joli orangé par endroits. Bon je n'ai pas dit bonjour à la volaille mais ça ne s'est pas entendu, et j'ai réussi à l'éviter toute la soirée - parce qu'il ne faut pas déconner quand même - mais sans que ce soit visible, tout du moins pas pour ceux qui n'étaient au courant de rien. J'ai été parfaitement naturelle et amicale avec Ghislain, riant à ses blagues, jouant la complicité d'autrefois, tout ça. Parce qu'au fond c'est facile.
Mais surtout, poussée par je ne sais quelle force, je crois que j'ai parlé à tout le monde. (Enfin tout le monde moins 1, mais ça ne compte pas.) Moi qui en général me cantonne aux gens avec qui je m'entends réellement bien, là non, j'ai voleté de groupe en groupe, sans négliger ni les personnes de petite taille ni les squatteuses de canapé ni les geeks alcoolisés. En toute sincérité et avec plaisir, en plus. Faut croire que je grandis.
Et après coup, je me sens plutôt triste qu'autre chose pour Ghislain. Je ne sais pas si c'est de la mégalomanie ou quelque chose de plus grave, mais je le pense réellement malade. Et c'est pas cool. Même si ça ne me concerne plus.