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Coccinelle et Clémentine
9 janvier 2006

Stardust Memories

Sur la ligne 4 de mon bus dans Mavilledefac, il y avait des tas de gens que je croisais régulièrement.

Mavilledefac est une ville de taille tout à fait raisonnable, pile entre Monbledpourri (où j'ai grandi jusqu'au bac) [et où on ne peut jamais faire un pas au "centre-ville" - mot à peine exagéré quand on voit les quatre ruelles qui se battent en duel - sans croiser Madame Machin qui, la dernière fois qu'elle t'a vue, eh ben t'étais haute comme ça *geste à 3 cm du sol*, ou Jenny la connasse qui sort avec le mec de tes rêves, ou Monsieur Prout le prof de piano sadique et pervers, ou Claire D**** qui a tellement bien réussi sa vie de sale conne d'école de commerce...] pile entre ça, donc, et Paris, où tu ne croises quasiment jamais personne à l'improviste - sauf signe du destin intersidéral -, et où il faut vraiment avoir un métier de con pour arriver à prendre les transports en commun régulièrement aux mêmes horaires que quelqu'un d'autre.

Dans le bus 4, donc, il y avait déjà une espèce de sale handicapée (je sais, faut que je fasse des efforts pour le politiquement correct) qui portait, hiver comme été, une cagoule rose un peu grisée par la crasse, et qui marchait tout le temps avec des béquilles. Et il pouvait y avoir 52 places libres dans le bus, elle arrivait vers la plus jolie et la plus fraîche jeune fille qui se trouvait paisiblement assise et lui aboyait un truc inarticulé qui, après décodage minutieux, s'apparentait à quelque chose du genre "C'est mô plôce, dégôgez". Et c'était tellement affligeant, que, oui, tout le monde dégageait.

Il y avait ensuite une vieille pute. (Littéralement, je me le demande encore). Hiver comme été, elle portait des habits de cuir blanc d'un goût très sûr, et sa peau complètement flétrie était plâtrée d'un fond de teint genre Terracotta n°16, sur lequel elle se sentait obligée de rajouter un bon coup de blush rose fushia assorti à son rouge à lèvres. Souvent elle mettait des chapeaux, blancs toujours, mais différents, parfois une grosse toque en poil de lapin, parfois un chapeau de paille de 80 cm de diamètre. Elle parlait toute seule, je ne me rappelle plus trop ce qu'elle disait, elle racontait ses malheurs, quoi, et une fois, elle s'était levée d'un siège, dégoûtée, parce que c'était sale, et elle avait ajouté que ça c'était les jeunes d'aujourd'hui, que c'était la "crasse des jeunes", et puis elle était partie en continuant sur la déchéance du pays à cause des jeunes générations, et caetera, et caetera.

Et puis il y avait cette vieille dame. C'était difficile de lui donner un âge, parce que son chignon était encore brun, mais c'était une teinture, obligé, même si elle était très bien faite. Elle avait aussi une peau flétrie mais elle avait dû être tellement belle et prendre tellement soin d'elle qu'elle était encore resplendissante. Elle était toujours parfaitement coiffée, elle se tenait toujours parfaitement droite et digne, sans pour autant faire vieille bourgeoise désagréable, non, elle s'habillait relativement discrètement, mais classe ; elle avait des jambes encore très belles, fines et élégantes, dans de vrais collants de femme, et pas dans des vieux trucs en mousse de mémé. Elle me faisait l'impression d'une femme qui attend son amour parti dieu sait où depuis des années, prête à l'accueillir, toujours. Sauf que je me plantais sûrement, c'était juste une femme classe qui s'occupait d'elle, pour elle. J'aimerais bien reprendre ce bus et voir si elle est toujours là, voir qu'elle a vieilli, un peu (forcément), et peut-être lui parler. J'en ai eu souvent envie, parfois nos regards se croisaient, et elle était tellement bienveillante.

Et puis c'est dans ce bus, plus ou moins, que j'ai rencontré Charlotte. La seule fille sympa de ma classe (comme quoi les étudiants sont les mêmes partout) et la seule aussi, qui habitait à 50 mètres de chez moi.
Je ne mesurais pas ma chance alors.

C'est terrible, à quel point ça me manque, une vraie copine, quelqu'un de vif, quelqu'un qui me parle d'autre chose que des cours, quelqu'un qui voit loin, quelqu'un qui pense tout seul, quelqu'un à qui discuter de conneries de filles.
A la seule idée de retourner à la fac demain, de me taper cette copine molle qui m'emmerde, ça me déprime à un point incalculable.

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